L'avare fastueux/Atto V

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Atto V

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Atto IV Appendice
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ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE PREMIÈRE.

Frontin. Deux hommes en habit de livrèe.

Frontin. Allons, mes enfans; la nuit commence, il faut allumer partout. (tous les trois commencent à allumer avec de la petite bougie au bout des bâtons.

Frontin. (Aux deux hommes) Doucement, n’allez pas si vite, car il y a des dangers à courir.

SCÈNE II.

Les personnages précédans1, Chateaudor.

Chateaudor. (A Frontin) Comment? tu allumes déjà? il fait encore jour. C’est trop tôt. Le monde n’arriverà pas de si bonne heure.

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Frontin. Mais, monsieur, il nous reste bien de choses a faire; il vaut mieux se précautionner2 je crois.

Chateaudor. (Bas à Frontin) Mais les bougies du lustre dureront elles assez?

Frontin. Monsieur, ne craignez rien. J’ai choisi des bouts assez longs, je vous les garantis jusqu’à minuit.

Chateaudor. Sont-ils bien solides?

Frontin. Très-solides. Je les ai entassés sur des espèces de brûle-tout avec des bonnes pointes. (un de deux hommes à livrée fait tomber une bougie du lustre. Frontin y accourt.)

Chateaudor. (A Frontin avec colère) Qu’est-ce que c’est donc? voilà une bougie de perdue3. Renvoye ces canailles, maladroits4

Frontin. (Aux deux hommes) Allez, allez, vous n’êtes bons qu’à manier la faulx et la bêche. (les hommes sortent) Il faudroit remplacer la pièce tombée.

Chateaudor. On ne prendra pas garde, s’il y a une bougie de moins. Ramasse les morceaux de cire, et dépêche-toi.

Frontin. Je resterai donc seul ici? et j’ai le couvert à mettre, et j’ai le dessert à arranger. Si j’appellois la Fleur, monsieur, pour me faire aider? celui-là sait servir, c’est un garçon adroit.

Chateaudor. Oui, fais venir la Fleur, je lui parlerai en même tems.

Frontin. (S’approche de la porte de l’appartement pour rappeller la Fleur)

Chateaudor. (Sortant de sa poche des papiers écrits) Je ferai voir à monsieur le Marquis mes projets, je les ai arrangés de trois manières différentes. On choisira celui qui conviendra le mieux.

SCÈNE III.

Chateaudor, Frontin, La Fleur.

Frontin. (A Chateaudor) Monsieur, voici la Fleur; il veut bien se prêter.....

Chateaudor. (A la Fleur) Votre maître est-il visible? [p. 361 modifica]

La Fleur. Oui, monsieur.

Chateaudor. Est-il seul?

La Fleur. Oui, monsieur, il est seul.

Chateaudor. (A part) Tant mieux, j’espère qu’en quatre minutes notre affaire sera faite. (il sort)

SCÈNE IV.

Frontin, La Fleur.

Frontin. (Donnant à la Fleur un bâton) Puisque tu veux bien faire quelque chose pour moi, nous acheverons d’allumer ces bougies.

La Fleur. Je le veux bien, mon ami Frontin, avec le plus grand plaisir. Mais dis-moi une chose. Ce n’est pas que j’aie besoin d’un souper, car j’ai mon argent a dépenser, ce seroit uniquement pour le plaisir de la société; irai-je souper à l'auberge ce soir? l’un et l’autre parlent en allumant les bougies

Frontin. Nous verrons, si les plats de résistance résisteront à l'assaut des gens de bon appetit. Les plats sont grands, mais le dedans n’est pas fort.

La Fleur. Aurons-nous une bouteille de vin au moins?

Frontin. Peste! Si je touchois aux bouteilles, il les retrancheroit sur mes gages.

La Fleur. Eh comment pourroit-il deviner combien ils en auront vuidées?

Frontin. Comment? écoutes. Il a dans sa poche des petites boules de papier, il les tire à mesure que l’on sert les bouteilles, et à la fin du repas, il sait combien il s’est bu de vin.

La Fleur. Que le diable.....

Frontin. (Voyant venir son maître) Paix!

SCÈNE V.

Frontin, La Fleur, Chateaudor.

Chateaudor. (A part en colère) Pouvois-je m’attendre à un pareil traitement? pouvoit-il me dire en quatre mots plus de sottises?5

[p. 362 modifica] Sa fille ne veut pas de moi. Elle ne viendra pas à mon souper, et il finit par me rire au nez. Le sot, l'imbecille, il ne parle que de foin, que de paille. (à la Fleur brusquement) Votre maître a6 besoin de vous. Allez.

La Fleur. Monsieur, j’ai eu l’honneur d’aider mon camarade.

Chateaudor. Ayez la complaisance de vous en aller, monsieur. (la Fleur sort)

SCÈNE VI.

Chateaudor, Frontin.

Frontin. (A part) Il fait mauvais tems a ce que je vois. Il y a de l’orage dans l’air.

Chateaudor. (A part) Mais quelle sottise allois-je faire moi même? à quelle foiblesse allois-je lâchement m’abandonner? Je renonce à l’opulence7. d’une beauté rétive, qui me dégoûte8, je méprise l'indigence orgueilleuse9 qui me révolte10 mais plus d’égards pour personne, plus de complaisance pour qui ce soit. (à Frontin) Eteins ces bougies.

Frontin. Que je les éteigne, monsieur?

Chateaudor. Oui, dépéche toi.

Frontin. Oh la singulière chose! (il prend l’éteignoir et commence à éteindre lentement)

Chateaudor. (A part) On me trompe, on me joue.... voyons madame Araminte.... (à Frontin) Mais tu ne finis pas. (Il éteint lui même quelques bougies avec son chapeau)

Frontin. Et le souper, monsieur?11 il est tout prêt à être servi.

Chateaudor. Madame Araminte ne me reprochera pas les vingt personnes à souper. (ils éteignent jusqu’à la dernière bougie)

Frontin. Voilà qui est fait, monsieur, nous voilà dans les ténèbres.

Chateaudor. Pourquoi as-tu éteint la dernière bougie? [p. 363 modifica]

Frontin. Ce n’est pas moi, je crois.

Chateaudor. Vas chercher une lumière.

Frontin. Oui, monsieur.

Chateaudor. Attends, attends, j’entens du monde.

SCÈNE VII.

Chateaudor, Frontin, La Fleur.

La Fleur. Qu’est-ce que cela veut dire? on a éteint les bougies! est-ce qu’on ne souperoit plus ce soir? Si je pouvois voir Frontin.

Frontin. (Bas à Chateaudor) C’est la Fleur, je crois.

Chateaudor. (Bas à Frontin le tenant par le bras) Reste, et parle lui comme si je n’y étois pas. (A part) Si je pouvois découvrir...

La Fleur. (Heurtant Frontin) Qui est là?

Frontin. C’est moi.

La Fleur. C’est toi, Frontin? Pourquoi as-tu donc éteint les lumières?

Frontin. Pourquoi? c’est que c’étoit trop tôt.

La Fleur. Parbleu! l’on voit bien que tu as à faire à un avare.

Frontin. (Voudroit s’en aller, son maître le retient) Comment! mon maître un avare?

La Fleur. Je parle d’après ce que tu m’as dit.

Chateaudor. (A part) Ah le malheureux!

Frontin. (A la Fleur) Tu en as menti.

La Fleur. Paix. Paix. Ne t’echauffe pas. Ecoute. J’ai imaginé un moyen pour escamoter quelques bouteilles de vin, malgré les boules de papier.

Frontino. Tu es un fripon; je ne sais12 pas ce que tu veux dire.

La Fleur. Je ne te reconnois pas, mon ami Frontin, tu as changé de langage; tu parles à present, comme si ton maître y étoit.

Frontin. Je parle toujours de même. J’aime mon maître, et c’est un gentilhomme généreux.

La Fleur. Et toutes les vilainies que tu m’as conté de lui? [p. 364 modifica]

Chateaudor. (Haut) Sors d’ici, scélérat.(Il pousse Frontin contre la Fleur)

La Fleur. Sauf qui peut. (il sort)

Frontin. Je suis perdu. (il sort)

SCÈNE VIII.

Chateaudor seul

L’indigne a parlé, le traître m’a décrié. Voilà d’où vient le mépris du Marquis. J’entends a présent les propos de foin et de paille. Je n’ai plus chez moi que des ennemis. On me donne des ridicules de tous les cotés. J’ai acheté à grands frais des insultes, des impertinences... On ouvre chez le Marquis... sa présence m’est odieuse... je l’eviterai... Oui, mon parti est pris. Je l’eviterai pour toujours. (il sort)

SCÈNE IX.

La Fleur un flambeau à la maìn et regardant dans la salle13 Le Marquis le suit.

La Fleur. Monsieur, il n’y a plus personne. Nous pouvons traverser le salon sans rien craindre.

Le Marquis. (En riant) Y a-t-il rien de plus ridicule? c’est à mourir de rire.

La Fleur. De quoi, monsieur?

Le Marquis. De la scène que tu viens de me conter.

La Fleur. (Regardant vers la coulisse) Il est vrai qu’elle a été fort plaisante.

Le Marquis. Montons chez madame Dorimène; mon fils doit y être a ce que tu m’as dit.

La Fleur. Oui, monsieur. Mais voilà madame Araminte qui descend.

Le Marquis. Voilà qui est bien. Je suis bien aise de lui parler.

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SCÈNE X.

Le Marquis, La Fleur, madame Araminte précedée par un domestique avec un flambeau.

Le Marquis. Madame, j’allois monter pour avoir l’honneur de vous voir. Mais... où allez-vous, s’il vous plaìt?

Araminte. Je vais prendre congé de monsieur de Chateaudor.

Le Marquis. Vous partez, madame? (les deux domestiques posent les flambeaux sur deux tables, et sortent)

Araminte. Oui; d’ailleurs j’ai un compliment à lui faire, et à vous aussi, monsieur le Marquis.

Le Marquis. Ah; ah; est-ce que vous avez su 14 les projets de notre hòte généreux, charmant?

Araminte. Oui, monsieur, et je vous en félicite de tout mon cœur. (avec charge)

Le Marquis. A ce que je vois, madame, vous ne savez pas le beau de l’histoire.

Araminte. C’est à dire.....

Le Marquis. Que mademoiselle de Courbois lui a été refusée.

Araminte. Vrai?

Le Marquis. N’en doutez pas.

Araminte. Oh pour le coup, je vous en félicite d’avantage.

Le Marquis. Et qui est-ce, madame, qui vous en avoit parlé?

Araminte. Monsieur le Vicomte.

Le Marquis. C’est juste. Mon fils savoit la demande, et ne savoit pas le refus. Mais faites-moi la grâce de me dire, madame... mon fils vous a-t-il parlé de lui, de moi?

Araminte. Votre fils, ma fille, madame Dorimène ne font que m’étourdir, que me tourmenter. Je suis Je n’en puis plus.

Le Marquis. Est-ce que le sujet de mes vœux et de leurs instances pourroit vous déplaire? je n’ai pas une grande fortune à vous offrir; mais vous devez connoître mon bien, mes terres, Courbois,

[p. 366 modifica] Sept Fontaines, Bas Côteau, Verdurier15 voilà qui est bien, des millions, madame.

Araminte. A quoi bon vos millions! Feu mon mari avec peu de chose a fait des millions, et vous avec des millions vous n’avez rien. C’est que mon mari ne perdoit pas de vue ses affaires; c’est qu’il avoit une femme qui savoit conduire un ménage; mais vous, monsieur le Marquis, soit dit entre nous, tout va de travers chez vous.

Le Marquis. Il est vrai que feu madame de Courbois aimoit la société, la pauvre femme! Elle jouoit gros jeu, elle perdoit toujours; moi tantôt d’un coté, tantôt de l’autre; j’ai des chasses superbes; mes terres, voilà qui est bien, sont hypotéquées. Mais mon fils, il s’y connoit lui.... un jour... mon fìls.... mes terres...

Araminte. Eh! si vos terres étoient entre mes mains, vous verriez que ce jour ne tarderoit pas longtems à arriver.

Le Marquis. C'est vrai, c’est juste; je le crois aussi. Si vous vouliez vous en changer, tant mieux pour moi, tant mieux pour le Vicomte. Prenez-les sous votre direction; je vous les confie, je vous les abandonne.

Araminte. Croyez-vous, monsieur le Marquis, que je sois faite pour être l’intendante d’une maison?

Le Marquis. Point du tout, madame. Vous êtes encore fraiche, je ne suis pas bien vieux; je vous offre ma main, mon cœur, et je vais vous faire carte blanche.

Araminte. Carte blanche, monsieur?

Le Marquis. Oui, madame, et je suis sur que le Vicomte la signera aussi content que moi.

SCÈNE XI.

Araminte, Le Marquis, Le Vicomte.

Le Vicomte. Oui, mon père, je signerai cet acte solemnel qui fera mon bonheur, et celui de votre maison, (vers la coulisse)

[p. 367 modifica] Venez, mademoiselle, venez et ne craignez rien. Venez joindre vos prières aux notres, et tâchez de fléchir le cœur d’une mère qui n’est difficile à vaincre que par trop de délicatesse.

SCÈNE XII.

Les précédens16 Léonor, Dorimène se tenant a l’écart

Léonor. (Se jetant17 à genoux 18 d’Araminte) Ah, ma mère, vous connoissez mon cœur; vous savez jusqu’à quel point j’ai respecté vos ordres et vos volontés. Vous m’avez choisi un époux que je ne pouvois pas aimer; une inclination innocente s’étoit emparée de mon cœur. Je sens que j’aurois dû vous le dire; mais la crainte et le respect m’ont retenue19 Cependant malgré la violence de mon amour, j’étois sur le point de tout sacrifier à mon devoir et à mon obéissance. Ah, ma mère, puisque le ciel semble vouloir me dégager de ce lien fatal, ayez pitié de moi; si vous avez des raisons pour me refuser celui qui feroit mon bonheur, renfermez-moi dans un convent pour toujours; ne m’exposez pas à traîner ma vie dans l’affliction, dans le désespoir20

Araminte. (A part) Ma pauvre Léonor!... elle m’attendrit jusqu’aux larmes.

Le Marquis. (En essuyant ses yeux) Je sens que... voilà qui est bien. (Il sanglote21

Araminte. (A Léonor) Levez-vous, je vous contenterai, mais à une condition... Cette carte blanche, monsieur le Marquis.

Le Marquis. Oui, sans doute... le notaire, le notaire... en attendant, acceptez ma main, madame.

Araminte. Votre main?

Léonor. Ah, ma mère, votre présence, vos soins, vos bontés feront notre bonheur.

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Le Vicomte. Oui, madame, vos ordres seront respectés; vos conseils, et votre exemple seront pour nous des leçons continuelles de vertu.

Le Marquis. (Tendrement, et la main en l’air) Madame...

Araminte. (Avec passion) Ah, ma fille, ma fille!.. (avec gaîté) Allons, monsieur le Marquis, j’y consens.

Le Marquis. (Très-gaîment) Et moi!.. voilà qui est bien.

Dorimène. Un moment, écoutez-moi de grâce. Jusqu’à present je n’ai rien dit, étant trop interessée au bonheur de mademoiselle. Mais avez-vous réfléchi, que la raison, la bienséance et l'honnêteté même ne vous permettent pas d’achever tous ces arrangemens sans la participation de mon frère?

Araminte. Voyons monsieur votre frère.

Dorimène. Je vois Frontin... holà Frontin!

SCÈNE DERNIÈRE.

Les personnages précédens22 Frontin.


Frontin. (En habit bourgeois) Madame.

Dorimène. Appellez votre maître.

Frontin. Je n’ai plus de maître, madame, il m’a mis à la porte.

Dorimène. Mais, où est-il actuellement?

Frontin. Il vient de monter dans sa chaise de poste, et il est parti pour sa terre.

Dorimène. Il est parti? Comment? Pourquoi?

Frontin. Voici une lettre, qu’il m’a chargé de vous remettre, madame. C’est tout ce qu’il m’a donné, en23 récompense de dix années de service.

Dorimène. (Lit la lettre tout bas.)

Le Marquis. (A Frontin) Est-ce qu’on ne soupera pas ce soir?

Frontin. Monsieur de Chateaudor feu mon maître a fait éteindre le feu, il a ferme la porte de la cuisine et celle de la salle à manger, et il a emporté les clefs avec lui. [p. 369 modifica]

Dorimène. Je vous offre, messieurs, mon souper sans façons24.

Le Marquis. Voilà qui est bien.

Dorimène. Mais, monsieur le Marquis, ce qui n’est pas bien, c’est que mon frère a été méprisé de tous les cotés. Il se plaint dans sa lettre des uns et des autres.

Araminte. Il auroit eu ma fille, s’il n’étoit pas si fastueux.

Le Marquis. Il auroit eu la mienne, s’il n’étoit pas un avare.

Frontin. Il étoit l’un et l’autre, et le voilà puni.


Fin de la Pièce.


  1. Manoscritto: ptécédans.
  2. Manoscritto: précautioner.
  3. Così il ms.
  4. Così nel ms.
  5. Manoscritto: sotises.
  6. Prima leggevasi: aura.
  7. Manoscritto: oppulence
  8. Manoscritto: degoute.
  9. Manoscritto: orguoilleuse.
  10. In vece delle parole Je renonce etc. così leggevasi prima nel manoscritto: l’argent vaut mieux que toutes ces antiquailles delabrées. Oui, oui je l'epouserai celle beauté retive, oui, oui je l'epouserai malgré elle, malgré ma soeur et malgré moi. Mais etc.
  11. C’è punto e virgola nel manoscritto.
  12. Manoscritto: sçais.
  13. Manoscritto: sale.
  14. Manoscritto: sçu.
  15. Manoscritto: bas côteau, verdurier.
  16. Manoscritto: précédans.
  17. Manoscritto: jettant.
  18. Così nel manoscritto.
  19. Queste parole (je sens etc.) furono cassate dall’autore.
  20. Prima si leggeva: si vous avez des raisons pour me refuser celui qui feroit mon bonheur, n’insistez pas au moins à vouloir me sacrifier avec un homme qui causeroit mon désespoir.
  21. Manoscritto: sanglotte.
  22. Manoscritto: précédans.
  23. Prima leggevasi de.
  24. Prima si leggeva: un petit souper chez moi.