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PREFAZIONI E POLEMICHE

CHAPITRE TROISIÈME

Quelque lecteur attentif et grand admirateur de monsieur de Voltaire me dira, peut-étre, qu’il ne me siérait pas mal de prouver que Shakespeare mérite vraiment ce caractère extraordinaire que je lui ai donne plus haut.

Hélas, mes amis, comment voulez-vous que je fasse ce qui n’est point faisable? Vous donnerai-je de ses passages en anglais? Vous ne les entendriez point. Vous en traduirai-je? Ne viens-je pas de vous dire qu’on ne saurait traduire Shakespeare? D’ailleurs, ce n’est point par des passages détachés que je pourrais vous mettre á portée de juger de lui. Je ne vous présenterais que quelques briques pour vous donner une idée de sa maison, selon la remarque d’un de ses savants commentateurs.

Une des plus grandes perfections de Shakespeare est celle de mettre devant nos yeux des caractères qui sont très souvent des prototypes. Les principaux personnages dans ses pièces ne représentent point des individus, mais des espèces. C’est ainsi que les fameuses statues de Rome et de Florence ne sont point des portraits de cet homme-ci, de cette femme-lá; mais des portraits d’une classe entière. Vous présenter ces statues ne serait pas chose aisée, comme vous savez. Il faut que vous vous en alliez vous-mème á Florence et á Rome, si vous avez la curiosité de les voir.

Oui, messieurs les franQais! Pour connaitre Shakespeare, il faut que vous veniez á Londres. En y arrivant, il faut que vous vous mettiez á étudier l ’anglais comme des perdus. Il faut que vous examiniez ce peuple, non pas en fran^ais, mais en hommes. N’oubliez pas cela. Sur toutes choses prenez bien garde á ne pas apporter de ces vilains microscopes que l’opticien de Ferney vous vend á si bon marche : ils ne valent rien, je vous en assure. Ils rendent les objets si opaques, si petits, qu’on ne saurait les distinguer, et gátent la vue en méme temps.