Pagina:Baretti - Prefazioni e polemiche.djvu/241

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des toiles peintes par Servandoni ou par Luterbourg soient des appartements, des galleries, des jardins, des palais, des temples, des villes, des campagnes, des mers et autres pareilles choses?

— Non, non. Ces messieurs, ces dames, ces grisettes, ne se figurent rien de toutes ces choses-lá. Ils ne les trouvent que probables, que vraisemblables, á l’aide de leur imagination !

— Je veux de tout mon coeur que cela soit: mais si á Paris on peut trouver des choses si éloignées du vrai, probables et vraisemblables á l’aide de l’ imagination, pourquoi á la méme aide ne trouvera-t-on pas á Londres probables et vraisemblables d’autres choses pas un pas plus éloignées du vrai que celles-lá? Qu’ importe que le consul Marcantoine se tienne á Rome pendant toute la pièce, ou qu’il parte au second acte pour le Méxique, s’embarque au troisième pour Péterbourg, fasse une escapade á Pondichéri dans le quatrième, et aille au cinquième se faire capucin en Irlande, pourvu que le poète alt l’adresse de nous faire savoir oú Marcantoine est, aussitót qu’il parait, et les raisons qui le réduisent pas-á-pas á quitter le consuiat et se faire capucin? Faut-il de plus grands efforts d’ imagination pour aller d’un pays á l’autre, que de se tenir ferme dans Rome durant tous les cinq actes, quand on sait d’étre á Paris, que l’acteur ne bouge du Capitole ou qu’ il courre de pays en pays jusqu’á Cork ou á Dublin?

— Mais, notre ami, oú est l’illusion pendant tout ce temps?

— L’ illusion, messieurs? Je viens de vous dire qu’aucun d’entra vous n’est sujet á la moindre illusion dans votre cas. Si tout le monde chez-vous est dans son bon sens, si personne ne prend jamais le change pendant un seul instant, si chacun sait oú il est et de quoi il s’agit, oú diable serait l’illusion? Quoi que messieurs les poètes et messeigneurs les critiques en disent après Aristote ou après le pere Brumoi, personne ne va voir jouer Cinna, Britannicus, Hamlet, Macbeth, non plus que La chercheiLse d’esprit ou Le convié de Pierre, pour se procurer le plaisir d’une illusion qu’il serait impossible d’obtenir. Chacun y va pour s’amuser d’une représentation. Si cette représentation fait plaisir,