Pagina:Baretti - Prefazioni e polemiche.djvu/280

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une qui les vaut toutes. Il fallait dire que l’italien dont ces lettres sont parsemées est évidemment et péniblement traduit du fran^ais á l’aide de quelque mauvais dictionnaire, par ce gueux qui a pris le nom de Caraccioli, qui a fait ainsi semblant de savoir l’italien pour mieux colorer son imposture, dont trop de monde a été bonnement la dupe. Voilá ce que je dis, moi qui entends ma langue. Mais le moyen que vous en eussiez dit autant, vous qui étes tout aussi imposteur en fait de langues que r imposteur de Tours, et davantage?

Répondant aux sots propos d’un certain Diodati, pédant très frigide, vous avez dit qu’on fait «plus facilement cent bons vers en italien», qu’on n’en peut faire «dix en frangais» (’).

Qui vous a dit cela, monsieur de Voltaire? Je parie que ce fut cet Algarotti de fade mémoire, de qui vous apprites á mépriser Dante. Apprenez de moi qu’ Algarotti faisait des vers blancs comme une fíleuse fait du fil, sans s’arréter. Il en faisait cent ou deux cents dans le temps que vous en feriez dix ou douze. Mais dix ou douze de vos vers, n’en déplaise á votre modestie, valent dix mille fois plus que dix mille vers d’ Algarotti, qui n’entendait rien ni á la poesie ni á la prose. Il fit jadis imprimer á Venise un certain nombre de ses építres avec d’autres építres de l’abbé Frugoni et du jésuite Bettinelli. Tout cela fut intitulé Vers blancs de trois illustres poètes (2). Ces maudits vers blancs étaient escortés d’une sotte préface barbouillée par une sotte Excellence vénitienne, qu’on appelle Andrea Cornaro. Jamais la poesie et le bon sens ne furent si mátinés que par ces quatre illustres. La prose d’Algarotti, de méme que sa poesie est un baraguoin ètri á la diable de vénitien mal toscanisé et de franQais mal entendu, avec par-ci par-lá quelques mots et quelques phrases d’invention. II méprisait Dante, qu’il n’entendait guère plus que vous entendez Confucius, dont vous avez fait tant de fois l’éloge. Les beaux chef-d’oeuvres que son

(i) Voyez encore les lettres á la suite du Commentaire imprimé á Báie. (2) Je ne me souviens pas bien du titie de ce livre, mais je me souviens que e ’est lá le sens.