Pagina:Baretti - Prefazioni e polemiche.djvu/300

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Je m’en vais á présent achever mon discours pour prier tous ceux qui veillent á l’éducation de la jeunesse en France et partout ailleurs, de ne point souffrir que leurs élèves lisent aucun des ouvrages de ce prétendu savant universe!. Monsieur de Voltaire a une manière de dire les choses fort séduisante, qui plaít mème quand il déraisonne; et il ne déraisonne pas rarement. D’ailleurs il n’endoctrine jamais, quoi qu’il divertisse toujours. Qu’apprendront de lui des jeunes gens sans expérience et mal pourvus de véritable savoir? Ils apprendront qu’«Homère est un bavard»; que «Sophocle et Euripide sont aujourd’hui ignorés ou méprisés»; qu’Hésiode, Platon, Virgile, Ovide et tous ceux, en un mot, que le monde a respectés comme des grands hommes durant tant de siècles, sont tous si pleins de défauts qu’ils en regorgent. Tour á tour, monsieur de Voltaire les a brocardés tous dans ses proses et dans ses vers. Je conviens de tout cela: j’y souscris sans hésiter, comme de raison; et je conviens aussi que tous les plus célèbres écrivains modernes parmi les anglais, les espagnols, les italiens, et méme parmi les frangais, sont des gens qui méritent par-ci par-la quelques louanges, pourvu qu’elles soient entremélés de beaucoup de mépris. Cependant il est bon de considérer que quand les jeunes gens auront appris par cceur de monsieur de Voltaire toutes ces étonnantes vérités, ils en tireront naturellement la dangereuse conséquence qu’on peut devenir fort savant en toutes choses sans se bourreler l’áme á étudier des ouvrages abusivement décorés du titre de «classiques». N’y a-t-il pas lá un peu de risque qu’au lieu de de venir des hommes, ils ne deviennent que des sots et des impertinents? Puisqu’on ne saurait douter que le grand Corneille, et Racine, et Boileau, et Pascal, et Bossuet, et Bourdaloue, et La Bruyère, et tant d’autres se sont formés sur ces imbéciles grecs et romains, pourquoi ne laisserons-nous pas courir notre jeunesse après ces imbéciles mémes? Irons-nous présenter cette jeunesse á monsieur de Voltaire, afin qu’il prenne la peine de la mettre sur un autre chemin, au risque qu’elle s’égare? Si j’en crois á mes petites observations, il n’y a pas un seul jeune liseur des oeuvres de monsieur de