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184 ACTE SECOND

Dorval. Mon cher ami, vous me faites honneur.

M. Géronte. Je vous connois; je ne ferois que le bonheur de ma nièce.

Dorval. Mais...

M. Géronte. Quoi?

Dorval. Son frère!...

M. Géronte. Son frère! Son frère n’est rien... C’est moi qui en dois disposer; la loi, le testament de mon frère... J’en suis le maître. Allons, décidez-vous sur le champ.

Dorval. Mon ami, ce que vous me proposez-là, n’est pas une chose à précipiter; vous êtes trop vif.

M. Géronte. Je n’y vois point de difficultés; si vous l’aimez, si vous l’estimez, si elle vous convient, tout est dit.

Dorval. Mais...

M. Géronte. (Fâché) Mais, mais! Voyons votre mais.

Dorval. Comptez-vous pour rien la disproportion de seize ans à quarante-cinq?

M. Géronte. Point du tout; vous êtes encore jeune, et je connois Angélique; ce n’est pas une téte éventée.

Dorval. D’ailleurs, elle pourroit avoir quelque inclination.

M. Géronte. Elle n’en a point.

Dorval. En êtes-vous bien sûr?

M. Géronte. Très-sûr. Allons, concluons. Je vais chez mon notaire; je fais dresser le contrat; elle est à vous.

Dorval. Doucement, mon ami, doucement.

M. Géronte. (Vivement) Eh bien! quoi? voulez-vous encore me fatiguer, me chagriner, m’ennuyer avec votre lenteur, votre sang-froid?

Dorval. Vous voudriez donc?...

M. Géronte. Oui, vous donner une jolie fille, sage, honnête, vertueuse, avec cent mille écus de dot, et cent mille livres de présent de noce; cela vous fâche-t-il?

Dorval. C’est beaucoup plus que je ne mérite.

M. Géronte. (Vivement) Votre modestie, dans ce moment-ci, me feroit donner au diable.