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LE BOURRU BIENFAISANT 191


SCÈNE XI.

Madame Dalancourt, Monsieur Dalancour.

M. Dalancour. (A part, avec agitation) (Voyons. C'est de mon procureur). (il ouvre la lettre)

Mde. Dalancour. Qui est-ce qui vous écrit?

M. Dalancour. (Embarrassé) Un moment, (il se retire à l’écart, il lit tout bas, et marque du chagrin.

Mde. Dalancour. (A part) (Y auroit-il quelque malheur?)

M. Dalancour. (Après avoir lu) (Je suis perdu!)

Mde. Dalancour. (A part) (Le coeur me bat).

M. Dalancour. (A part, avec la plus grande agitation) (Ma pauvre femme, que va-t-elle devenir? Comment lui dire? Je n’en ai pas le courage).

Mde. Dalancour. (En pleurant) Mon cher Dalancour, dites-moi ce que c’est, confiez-le-moi; ne suis-je pas votre meilleure amie?

M. Dalancour. Tenez, lisez, voilà mon état. (Il lui donne la lettre, et sort)

SCÈNE XII.

Madame Dalancour seule.

Je tremble. (elle lit) "Tout est perdu, Monsieur; les créanciers n’ont pas voulu signer. La sentence vient d’être confirmée; elle vous sera signifiée. Prenez-y garde, il y a prise de corps". Ah! qu’ai-je lu? Que viens-je d’apprendre? mon mari... endetté... en danger de perdre la liberté!... mais... comment cela se peut-il? point de jeu... point de sociétés dangereuses... point de faste... pour lui... Seroit-ce pour moi? Ah, Dieux! quelle lumière affreuse vient m’éclairer! Les reproches d’Angélique, cette haine de monsieur Géronte, ce mépris qu’il a toujours marqué pour moi... Le voile se déchire. Je vois la faute de mon mari, je vois la mienne. Son trop d’amour l'a séduit, mon inexpérience m’a aveuglée. Dalancour est coupable et je le suis peut-étre autant que lui... Mais quel remède à cette