Pagina:Goldoni - Opere complete, Venezia 1923, XXII.djvu/213

Da Wikisource.

LE BOURRU BIENFAISANT 205


SCÈNE III.

Marton, Dorval.

Dorval. (Parlant bas, et souriant) Eh bien, Marton?...

Marton. Monsieur, votre très-humble servante.

Dorval. (En souriant) Monsieur Géronte est-il toujours en colère?

Marton. Il n’y auroit rien d’extraordinaire en cela; vous le connoissez mieux que personne.

Dorval. Est-il toujours bien indigné contre moi?

Marton. Contre vous, monsieur? il s’est fâché contre vous?

Dorval. (En rìant et parlant toujours) Sans doute; mais cela n’est rien: je le connois, je parle que, si je vais le voir, il sera le premier à se jeter à mon cou.

Marton. Cela se pourroit bien; il vous aime, il vous estime; vous êtes son ami unique... C’est singulier cependant, un homme vif comme lui! Et vous, sauf votre respect, vous êtes le mortel le plus flegmatique...

Dorval. C’est cela précisément qui a conservé si longtems notre liaison.

Marton. Allez, allez le voir.

Dorval. Pas encore: je voudrois auparavant voir mademoiselle Angélique. Où est-elle?

Marton. (Avec passìon) Elle est avec son frère. Savez-vous tous les malheurs de son frère?

Dorval. (D’un air pénétré) Hélas! oui; tout le monde en parle.

Marton. Et qu’est-ce qu’on en dit?

Dorval. Peux-tu le demander? Les bons le plaignent, les méchants s’en moquent, et les ingrats l’abandonnent.

Marton. Ah, ciel! Et cette pauvre demoiselle?

Dorval. Il faut que je lui parle.

Marton. Pourrois-je vous demander de quoi il s’agit? Je m’ interesse trop à elle, pour ne pas mériter cette complaisance.

Dorval. Je viens d’apprendre qu’un certain Valère...

Marton. (En riant) Ah, ah! Valère?