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conscient, et par suite, le rejet par les meilleurs esprits, de l’inconscient dans le domaine de la pure physiologie: l’inconscient, simple combinaison de mouvements réflexes, étude accessoire et même un peu vaine en psychologie. C’était aller vite. C’était même aller partout beaucoup trop vite. Et à mesure que le champ de l’observation s’enrichissait, à mesure aussi ces affirmations commençaient à paraître plus que hasardeuses. On voyait peu à peu une complexité inattendue dans les questions qu’on avait crues les plus simples. Le domaine de l’observation s’enrichissait, le domaine des faits aussi. Et par là s’imposait la nécessité de recourir à des méthodes, à des théories nouvelles et plus fécondes. Ce n’est plus dans les laboratoires de psychométrie qu’on allait pouvoir poursuivre la science psychologique. Ceux-ci restaient comme sources assez étroites d’information; mais à côté d’eux les cliniques d’hôpital, les documents d’histoire sociale allaient solliciter de plus en plus l’attention des chercheurs.

Il n’est que juste ici de rendre à César ce qui est à César et de payer notre tribut d’hommages à un français, le créateur de la chaire de psychologie au Collège de France, M.r Ribot, dont les premiers travaux datent de bientôt un demi-siècle. Nul plus que lui n’a cru à l’avenir de la psychologie scientifique, nul plus que lui n’est partisan des méthodes positives. Les admirables préfaces à la «Psychologie anglaise» et à la «Psychologie allemande contemporaine» le disent assez. Elle furent en leur temps de retentissants manifestes. Et ceux de ma génération qui s’éprirent des méthodes positives, savent avec quelle ferveur ils lurent ce bréviaire et quelle influence il eut sur leur esprit. Mais la largeur d’esprit de M.r Ribot, et peut être son éducation philosophique, lui défendirent un dogmatisme étroit. Dès ces préfaces, il dénonçait les limites nécessaires des laboratoires de psychophysique. Il voyait la méthode psychologique dans une enquête autrement complexe. Et de suite le génie du chercheur devinait la richesse des renseignements que la pathologie devait fournir. N’était-ce pas-là la véritable psychologie physiologique, puisque la physiologie elle-même ne fait guère, pour appliquer la méthode expérimentale, qu’introduire dans l’organisme ou qu’utiliser des troubles pathologiques? L’un des premiers aussi il voyait toute l’importance de l’inconscient. L’un des premiers encore, — parmi les psychologues positifs, j’entends, — il dénonçait le simplisme et l’insuffisance de l’associationisme. Enfin en montrant toute l’importance de la vie affective, en établissant ses rapports, son unité réelle, avec la vie motrice, il rompait avec la tradition intellectualiste, par trop simpliste, elle aussi, de ses prédécesseurs directs. L’ouvrage capital de Taine s’était intitulé «L’intelligence»: les trois quarts des psychologies scientifiques roulaient sur la sensa-