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que la sociologie religieuse, surtout dans l’école de M.r Durkheim «humanisait» et rendait susceptible d’examen purement scientifique, le fait religieux, la plupart de ceux qui abordaient le problème s’élevaient contre la psychologie simpliste dont avait abusé la tradition anticléricale. Des esprits sans parti-pris philosophique (je n’irai pas, malgré tout le respect que j’ai pour le talent de W. James, à le ranger sans restrictions parmi eux) durent noter la complexité très grande, la sincérité manifeste, la normalité, et en même temps la puissance de certains états mystiques. Il parut bien qu’il y avait là parfois une attitude psychologique d’une personnalité très forte dont les racines plongeaient au meilleur de l’être, du plus sain de son activité biologique. Il parut aussi que la matière était d’accès difficile à l’investigation scientifique, que l’inconscient ou le subconscient y jetait fréquemment son mystère, qu’il y avait là quelque chose d’original et de spécifique, d’irréductible à d’autres attitudes dont on avait voulu trop souvent en faire une simple déviation (voir l’ouvrage de M.r Delacroix1 par exemple. Voir surtout les études de M.r Boutroux)2.

Ces conclusions furent facilement exploitées dans le sens d’un facteur transcendant manifeste dans l’étude du sentiment religieux. Et c’est bien de ce côté qu’a porté l’effort de quelques membres du Congrès de Genève. Il me paraît bien difficile de ne pas dire que cet effort a été absolument vain. Les deux rapporteurs M.r Leuba et M.r Höffding (bien que la pensée si nuancée de ce dernier ait souvent été tirée, elle aussi, en dehors et au delà de son sens scientifique strict) se sont attachés à montrer le bien-fondé et l’excellence du point de vue scientifique dans l’étude des faits religieux. Et pourtant ils partaient de conceptions fort différentes de la religion, puisque M.r Leuba défendait une conception biologique, tandis que M.r Höffding prenait son point d’appui dans les idées philosophiques qu’il avait développées à propos de la religion. Il n’en a pas moins conclu que toutes les manifestations religieuses relevaient d’une étude scientifique et positive, en concédant que le principe religieux en lui-même devait être réservé comme question philosophique. C’est à peu près dans le même sens qu’a parlé M.r l’abbé Pacheu. Reprenant une comparaison que j’avais déjà rencontrée dans le livre de M.r Dewelshauvers sur la synthèse mentale, il a considéré l’organisation physio-psychologique comme un clavier enfermant tous les moyens d’expression qu’utilise l’activité

  1. Études d’histoire et de psychologie du mysticisme — Paris, Alcan, 1908.
  2. Science et Religion — Paris, Flammarion 1908.