Tendances nouvelles de la Zoologie

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TENDANCES NOUVELLES
DE LA ZOOLOGIE

LA ZOOLOGIE PHYSIOLOGIQUE.
I. Introduction à la Zoologie générale, ou Considérations sur les tendances de la nature dans la constitution du règne animal, par M. Milne Edwards. — II. Leçons sur la Physiologie et l’Anatomie comparée de l’homme et des animaux, par le même.



I

Comme toutes les branches du savoir humain, la zoologie a son histoire. Plus complexe qu’aucune autre science par la multiplicité et la variété des objets qu’elle embrasse, par les points de vue très divers sous lesquels on peut en envisager l’ensemble et les détails, elle présente dans ses évolutions successives le tableau le plus vrai peut-être du développement de l’esprit humain. Par cela même, elle est restée jeune, si l’on peut s’exprimer ainsi, et tandis que ses sœurs ont déjà rencontré ou pressentent en quelque sorte les bornes de leur empire, celui de la zoologie s’étend encore chaque jour, dévoilant des horizons nouveaux, soit dans le domaine des faits, soit dans celui de la pensée.

Dans l’antiquité, chez les Grecs, l’étude des animaux n’est qu’une branche du savoir encyclopédique des philosophes. À ce titre, on ne saurait trop admirer les écrits d’Aristote[1]. Description extérieure, anatomie générale et comparée, physiologie, méthode naturelle, classification, cet immense génie a tout embrassé ; il a compris la zoologie complète. À vrai dire, les révolutions de cette science ont consisté seulement en ce que les successeurs du maître ont envisagé tour à tour chaque face du problème dont il avait saisi l’ensemble, et cependant l’œuvre d’Aristote présente d’immenses lacunes, renferme d’étranges erreurs. C’est que, dans les sciences d’observation, le temps est un indispensable élément du savoir. Le génie d’un seul homme peut sonder le monde de la pensée et découvrir en lui-même ce qu’y ont trouvé les Platon ou les Descartes : il peut, dans les sciences de calcul, atteindre d’un bond aux limites des déductions logiques, comme les Newton et les Pascal ; il peut concevoir une épreuve décisive et renouveler d’un seul coup toute une science d’expérimentation, comme l’a fait Lavoisier ; mais il ne saurait deviner ce qui existe, ce qu’il faut voir et toucher. Pour atteindre ce dernier résultat, il faut des années, des siècles. Voilà pourquoi Aristote a laissé en zoologie un édifice merveilleux par le plan que révèlent les fondations, mais à peu près tout entier à reprendre et à élever.

Entre les mains des Grecs, l’histoire des animaux apparaissait comme une vraie science : elle perdit ce caractère chez les Romains, et se lit avant tout anecdotique. Le volumineux ouvrage de Pline[2] est en grand ce que sont en petit la plupart de ces recueils informes que nous avons lus dans notre enfance, et d’après lesquels on juge trop souvent les sciences naturelles. Cette compilation indigeste de faits pris de toutes mains, accueillis sans critique, entassés sans ordre, semble avoir été écrite dans la seule intention d’amuser et d’étonner. De là ces histoires merveilleuses, ces descriptions de monstres, ces rêves de pure imagination qu’on rencontre à chaque page, mêlés à des faits intéressans, à des observations bien faites, et constituant autant d’acquisitions réelles pour la science de l’avenir. Avec tous ces vices, l’Histoire naturelle de Pline n’en est pas moins un des plus précieux monumens qu’aient respectés les siècles. Elle nous présente l’inventaire confus, mais complet, de tout un ensemble de sciences à l’une des grandes époques de l’antiquité. Sans doute l’erreur y tient presque autant de place que la vérité, mais la première entre pour une bonne part dans l’histoire de l’esprit humain, et, connaissant bien ce point de départ, nous n’en apprécions que mieux le chemin parcouru.

Pline, matérialiste et Romain, a d’ailleurs envisagé la zoologie sous un point de vue à peu près entièrement négligé par Aristote et ses disciples grecs ; le premier, il en a signalé les applications pratiques et démontré l’utilité. La science devait conserver longtemps ce caractère. Si les philosophes persans et les médecins arabes s’occupèrent des animaux, ce fut surtout pour leur demander des médicamens. Le foie, le cœur, le sang, le cerveau, les productions cutanées de certaines espèces, la chair tout entière de certaines autres entrèrent dans les formules si compliquées qui surchargeaient les pharmacopées du moyen âge, et il serait inutile de rappeler ici toutes les vertus attribuées à ces besoards, à ces œgagropiles qui, d’après les démonstrations de la science moderne, ne sont autre chose que des concrétions calcaires ou des amas de poils feutrés.

Avant de subir avec toutes les sciences le long temps d’arrêt qu’imposèrent à l’esprit humain la barbarie et le moyen âge, l’étude des animaux avait déployé à Rome même deux tendances presque opposées, quoique se rattachant toutes deux aux instincts utilitaires. Avec Galien[3], elle était devenue à peu près exclusivement anatomique. Médecin avant tout, ce grand homme ne chercha guère qu’à éclairer l’histoire de l’homme, et s’il disséqua des animaux, ce fut parce qu’il ne pouvait ouvrir des cadavres humains. En anatomie, en physiologie, il fut l’égal et parfois le supérieur d’Aristote ; mais il lui importait peu de décrire les espèces connues, d’en découvrir de nouvelles, de s’enquérir de leurs instincts, de leurs mœurs, de leurs usages domestiques. Tel fut au contraire le but d’Oppien[4] et d’Iilien[5], que Cuvier a appelés les derniers naturalistes de l’antiquité. Entre leurs mains, la science se fit presque uniquement descriptive et narrative ; elle devint ce que le vulgaire entend par les mots d’histoire naturelle.

Le moyen âge fit aussi de la zoologie une application bien différente, et toute spiritualiste. Aristote, à qui rien semble n’avoir échappé de ce qui peut se concevoir en zoologie, avait cherché dans l’étude comparée des êtres des notions sur la vie des plantes et des animaux, sur le principe immatériel qui anime l’homme lui-même, sur la cause intelligente qui a créé le monde. De grands esprits le suivirent dans cette voie, et plus qu’aucun autre cet Albert de Bollstœdt[6], à qui la postérité n’a pas trop disputé le surnom de grand que lui décernèrent ses contemporains. Albert voulut donner la science pour fondement à la théologie, et il consacra à la zoologie en particulier un grand ouvrage, remarquable à bien des titres, quoique calqué sur celui de son maître. La thèse fondamentale y est largement développée, et peut se résumer dans les termes suivans : l’homme est un être à part des animaux ; seul, il réunit en lui le monde de la matière et le monde de l’esprit ; seul, il est le lien entre cet univers et Dieu. On voit que l’illustre dominicain se bornait sagement aux vérités fondamentales. Il fut suivi dans cette voie par un grand nombre d’écrivains ; mais bientôt l’esprit de secte envahit ce terrain, où auraient dû se rencontrer en paix les croyances les plus diverses. La zoologie eut ses légendes et ses miracles ; elle aussi devint un champ de bataille où se heurtèrent les théologiens de toutes les communions. Les insectes, les mollusques, eurent leur théologie aussi bien que les pierres elles-mêmes[7]. Ces luttes durent peut-être encore. Tous, nous avons pu entendre M. de Blainville[8] soutenir les doctrines catholiques, et foudroyer le protestantisme au nom de la science en général et de la zoologie en particulier. Par une réaction facile à prévoir, les philosophes du XVIIIe siècle cherchèrent aussi des armes dans ce même arsenal, et de nos jours, les ouvrages de Lamarck[9] reproduisirent à peu de chose près les rêveries de Telliamed[10] presque à l’époque où Oken[11] introduisait dans l’anatomie et la zoologie les doctrines panthéistes des philosophes de la nature.

On vient de voir que dès les temps anciens la conception si large et si complète d’Aristote semblait avoir été oubliée. Ses successeurs, loin d’embrasser l’ensemble de l’animal, s’arrêtent à un seul point de vue. Le médecin se réserve l’anatomie et ce qu’on pouvait faire alors de physiologie ; il se préoccupe aussi, et d’une manière exagérée, des applications à la matière médicale. Les compilateurs se bornent à une énumération sans méthode, à des descriptions incomplètes, à quelques observations de mœurs ; d’autres ne s’attachent guère qu’aux applications usuelles. Ne faisons pas à nos devanciers un trop grand crime de ce morcellement. Étudier d’emblée le règne animal dans son ensemble et ses détails, en tenant compte de tout, était vraiment chose impossible. Une étude successive pouvait seule conduire au but, et nous allons voir comment plusieurs générations de naturalistes ont concouru à l’accomplissement de cette œuvre avec une logique instinctive qu’on ne saurait trop admirer.

La zoologie reprend faveur dès le XVIe siècle, et se fait d’abord toute littéraire et érudite. Rondelet, Belon, Salviani[12], veulent avant tout retrouver les espèces décrites par les anciens, et leurs ouvrages sont en quelque sorte des centons scientifiques ; mais, par suite de cette investigation même, ils rencontrent des faits inattendus, et les indiquent en passant ; ils découvrent des espèces nouvelles et les décrivent. Le nombre de ces dernières s’accroît, le goût de l’observation directe se développe. Bientôt on se met avec ardeur à la recherche de richesses qui n’attendaient que des mains pour les ramasser. On place dans les cabinets tout ce qui est susceptible de conservation, et les collections commencent à se former ; on appelle d’habiles artistes à représenter ce qui ne saurait se garder en nature, et l’iconographie prend naissance. L’érudition tient encore une très grande place dans la science ; mais dans les ouvrages d’Aldrovande, et surtout de Gessner[13], elle marche appuyée sur des observations originales, et entourée d’une foule de faits inconnus des anciens.

On voit que pendant cette période la zoologie éminemment collectrice ne faisait, à vrai dire, que recueillir ses matériaux. Elle agissait comme un bouquiniste qui achèterait en bloc un grand nombre de livres précieux, mais entassés au hasard, et les ferait transporter par charretées dans ses magasins. Dieu sait quel pêle-mêle d’ouvrages et de volumes ! Avant de pouvoir s’en servir, n’est-il pas évident qu’il faudrait les disposer dans un ordre quelconque et en dresser le catalogue ? La zoologie éprouva bientôt des besoins tout pareils. On commença à se préoccuper sérieusement de la classification.

Reprenant les idées d’Aristote, Gessner lui-même avait fait quelques tentatives dans cette direction. Il fut imité plus ou moins heureusement par ses successeurs. Toutefois Jean Ray, éclairé par ses études en botanique, science qui, sous ce rapport, était bien en avant de la zoologie, fut le premier à résoudre approximativement le problème. Sa répartition des animaux est remarquable à bien des égards. Quelques-unes des principales divisions sont heureusement imaginées, et le dernier des groupes inférieurs, le genre, est bien compris ; mais il restait beaucoup à faire.

La zoologie, devenue classificatrice, rencontra tout d’abord une difficulté inconnue aux amateurs de livres. Les objets qu’il s’agissait de réunir dans un même genre n’avaient pas de titre, pas de nom. Pour tourner la difficulté, on remplaça longtemps l’un et l’autre par une courte phrase caractéristique. Or, à mesure que les espèces nouvelles se multipliaient, la phrase s’allongeait forcément, et bientôt la mémoire la plus robuste dut succomber sous ce fardeau sans cesse croissant. On comprit qu’au travail de répartition, dont on s’était à peu près uniquement occupé, il fallait en joindre un autre, et que, pour dresser le catalogue des espèces animales, il était nécessaire à la fois d’améliorer la classification et de créer la nomenclature. Linné[14] résolut ce double problème. Chaque animal fut désigné par deux mots, dont l’un indique le genre, l’autre l’espèce elle-même. Ces deux mots, représentant en quelque sorte le prénom et le nom de famille, indiquèrent, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’état civil, de l’animal. Les genres furent groupés en ordres, et les ordres en classes. Chacune de ces divisions fut nettement caractérisée. Dès lors l’esprit put aisément embrasser l’ensemble du règne ; la détermination d’une espèce déjà connue et nommée n’offrit plus de difficultés réelles, et chaque espèce nouvelle prit place tout naturellement dans le groupe dont elle présentait les caractères. Le système de Linné, sa nomenclature binaire, furent pour la zoologie de puissans instrumens, et, grâce à eux, elle accomplit en quelques années d’immenses progrès.

Malheureusement la classification de Linné était toute systématique. Conçue à priori et n’ayant d’autre but que d’arriver aisément à reconnaître le nom d’un animal et par conséquent à déterminer son espèce, elle n’utilisait qu’un petit nombre de caractères choisis arbitrairement et regardés comme ayant une égale valeur. Tous les classificateurs en botanique comme en zoologie avaient agi de même, et tous, Linné comme les autres, arrivaient ainsi à ne tenir presque aucun compte des rapports naturels des êtres, souvent à les rompre d’une manière étrange, en rapprochant les espèces les plus disparates ou éloignant les plus voisines. Le grand naturaliste suédois avait trop de génie pour ne pas sentir ce grave défaut. Au-delà de tous les systèmes, il entrevoyait bien quelque chose de plus haut. La méthode naturelle lui apparaissait comme un idéal, « mais, disait-il à son correspondant Bernard de Jussieu, comme un idéal que l’on ne pourrait atteindre. » Si nous parlions de botanique, nous aurions à rappeler ici comment notre compatriote ne désespéra pas à ce point, comment il approcha du but, comment il laissa à son neveu Antoine-Laurent de Jussieu la gloire de l’atteindre, et comment ce dernier en fit l’application à la science des végétaux ; mais il s’agit de zoologie, et il nous reste à montrer comment la méthode passa de l’étude des plantes dans celle des animaux.

Latreille, le premier, tenta cette introduction[15] ; mais il fallut le génie et la puissance de travail de Guvier pour atteindre à un tel résultat[16]. Jussieu avait dit : « Il faut dans une classification méthodique tenir compte non-seulement de tous les caractères, mais encore de la valeur de chacun d’eux. » Pour apprécier ce dernier élément, le fondateur des méthodes naturelles avait eu recours à l’observation seule. Cette manière de procéder était praticable en botanique ; elle eut été d’une application impossible en zoologie. Cuvier y suppléa par des a priori. Il mesura l’importance des caractères à l’importance de l’appareil organique qui les fournissait, et posa ainsi le principe des caractères dominateurs, qui, fondé presque uniquement sur l’examen des animaux les plus élevés en organisation, n’a de valeur réelle que dans les groupes supérieurs. Toutefois la grandeur de l’intelligence suppléa, chez Cuvier, à ce qui manquait en observation ; il traça le premier cadre méthodique qui ait renfermé l’ensemble toujours croissant des espèces animales, et ce cadre dans son ensemble subsiste encore aujourd’hui.

Entraîné par les préoccupations des siècles précédens et par les idées de son époque, quelque peu fier aussi sans doute de l’œuvre qu’il avait accomplie, Cuvier crut d’abord qu’une classification méthodique, remaniée et perfectionnée grâce à des progrès journaliers, devait être l’expression dernière et le but final de la science ; mais il reconnut plus tard son erreur. Vers la fin de sa vie, et quand une observation incessante eut fécondé son génie, la méthode lui apparut comme la science des rapports, et il sentit combien sont nombreux les liens qui rattachent chaque espèce à toutes les autres. Dès lors il n’hésita pas à proclamer que la classification la plus rationnelle est nécessairement imparfaite, et ne saurait être la traduction fidèle de la science, par cela seul qu’elle est impuissante à exprimer ces relations multiples. — Trop souvent oubliée par les admirateurs aussi bien que par les adversaires de Cuvier, cette déclaration formelle témoigne en faveur du caractère de celui qui l’a faite tout autant qu’en faveur de son génie. D’une part, Cuvier brûlait pour ainsi dire ses dieux d’autrefois et ne craignait pas d’amoindrir ce qui pour bien des savans à courte vue était son principal titre de gloire, et d’autre part il ouvrait la porte à des progrès nouveaux, accomplis après lui, et sur lesquels nous aurons à revenir.

Pour ne pas rompre l’enchaînement des idées et des faits, nous avons suivi la zoologie dans les efforts qui l’ont conduite à inventorier ses richesses et à en dresser le catalogue raisonné ; mais la science n’a pas marché dans une voie unique depuis la renaissance jusqu’à nos jours, et il nous faudra revenir en arrière pour juger des tendances diverses qu’elle a manifestées dans d’autres directions. Avant tout, il faut parler de Buffon[17].

Parmi les titres de gloire de ce grand homme, un des plus incontestables est d’avoir été, d’être resté le roi de l’école descriptive. Cela même rend plus difficile à comprendre l’aversion qu’il montra toute sa vie pour les classifications, alors même qu’entraîné par la force des choses, il était obligé d’en faire sans l’avouer. Peut-être se sentait-il à l’étroit dans le cadre systématique tracé par Linné ; peut-être avait-il, lui aussi, le pressentiment d’une méthode plus large et plus vraie. Quoi qu’il en soit, tout en refusant d’admettre les progrès dus à un illustre rival, Buffon en faisait d’une autre nature, et poussait, entre autres, la science dans une voie toute nouvelle. Le premier il rechercha les lois de la répartition des espèces animales à la surface du globe, et en fondant la zoologie géographique il créa une des branches les plus élevées de la zoologie générale et philosophique.

Buffon avait étudié la zoologie dans l’espace, il restait à la considérer dans le temps. Cet honneur était réservé à Cuvier. En publiant ses Recherches sur les ossemens fossiles, celui-ci créa la zoologie paléontologique. Malheureusement cette dernière a été de trop bonne heure considérée et traitée comme une science spéciale. Ce fait s’explique par les progrès mêmes de cette branche de l’histoire naturelle : nulle part ils n’ont été aussi rapides, nulle part ils n’ont produit en aussi peu de temps d’aussi grands résultats. La paléontologie se rattache intimement à la géologie, qu’elle éclaire en s’enrichissant elle-même, à la zoologie descriptive et systématique, dont elle complète les cadres, à la zoologie générale enfin, dont elle a étendu et multiplié les horizons. Elle a donc à perdre beaucoup en se séparant de ses sœurs, et pourtant à peine Cuvier achevait-il d’en poser les bases, que cette tendance à l’isolement se montrait et se caractérisait de plus en plus.

De l’aveu de Linné, de l’aveu de Cuvier, les classifications ne sont pas la zoologie. Reconnaître le genre et l’espèce d’un animal à quelques signes extérieurs, pouvoir lui appliquer immédiatement les deux noms qui le désignent, c’est posséder tout au plus le savoir du bibliophile monomane qui juge des livres par le format, l’impression, la reliure, qui connaît fort bien le titre des volumes et ignore ce qu’ils renferment. Un trop grand nombre de zoologistes ont voulu pourtant réduire la science à ce rôle. Toutefois les meilleurs -esprits ont réagi sans cesse contre cette tendance et cherché à lire dans les ouvrages que d’autres se bornaient à classer. De tout temps, on s’est enquis des actes accomplis par les animaux. Plus tard, on a voulu savoir comment étaient construites ces admirables machines vivantes ; plus tard encore, comment elles fonctionnaient. De là trois routes ouvertes aux naturalistes. La première conduit à l’étude des instincts et des mœurs, à tout ce qu’on désigne généralement sous le nom d’histoire naturelle. Cette branche de la zoologie, que n’ont presque jamais négligée entièrement les nomenclateurs eux-mêmes, compte dans ses annales scientifiques quelques noms vraiment illustres, et par-dessus tous celui de Réaumur[18], qui dans l’étude des insectes poussa jusqu’au génie l’art de l’observation et de l’expérimentation. La seconde aboutit à l’anatomie, la troisième à la physiologie. Pour compléter cette revue rapide, il nous reste à parler de ces deux sciences que nous envisagerons seulement dans leurs rapports avec l’étude des animaux.

La zoologie anatomique, dans le sens qu’on attache aujourd’hui à ces mots, est une des acquisitions les plus modernes de l’esprit humain. La tradition anatomique d’Aristote et de Galien ne s’était, il est vrai, jamais perdue. Grâce aux médecins arabes et juifs, elle avait traversé tout le moyen âge et s’était retrouvée entière à la renaissance ; mais si le philosophe grec avait cherché dans la structure organique des animaux le point de vue vraiment scientifique, le médecin romain, on le sait, l’avait étudiée à peu près uniquement pour parvenir à deviner celle de l’homme lui-même et faire de cette connaissance des applications à son art. Au XVIe siècle, les disciples de Galien, les Sylvius et les Vésale[19], animés du même esprit et pouvant disséquer des hommes, négligèrent les animaux. Ils fondèrent l’anatomie humaine, qui grandit et se développa avec la médecine et la chirurgie. Bientôt cependant quelques médecins savans, et qui s’occupaient de physiologie, comprirent que pour bien connaître l’homme il fallait ne pas le connaître seul, que des doctrines générales devaient s’appuyer sur autre chose que sur un exemple isolé. Telles furent les raisons qui ramenèrent à l’examen des espèces animales les Perrault, les Rédi, les Duverney[20]. Ceux-ci eurent des imitateurs. À leurs travaux vinrent se joindre des monographies assez nombreuses, si bien que Linné put attacher à chacune de ses six grandes classes un certain nombre de caractères anatomiques. Toutefois ces matériaux épars, que rien ne reliait les uns aux autres et que séparaient d’immenses lacunes, ne constituaient pas une science. En faire à la zoologie une application quelque peu régulière eût été impossible. C’est alors que Cuvier se mit à l’œuvre et produisit deux ouvrages, expression d’une même pensée, fruit du même travail et s’appuyant l’un sur l’autre, les Leçons d’anatomie comparée et le Règne animal. A. partir de ce moment, la zoologie dut devenir anatomique, et ce caractère lui restera incontestablement ; mais ce progrès, si grand qu’il fût, en appelait, en nécessitait de nouveaux.

Cuvier, tout occupé de la méthode et de la classification, semblait demander avant tout aux organes que son scalpel mettait à nu des caractères intérieurs propres à compléter, à contrôler les caractères fournis par l’extérieur. Il saisissait admirablement les faits organiques tels que chaque animal les présente ; mais il allait rarement au-delà. Dès l’abord, Geoffroy Saint-Hilaire[21] comprit qu’il existait entre ces faits des rapports dont la connaissance pouvait seule imprimer à l’ensemble des observations recueillies le cachet d’une doctrine scientifique. Il se mit à la recherche de ces rapports avec l’ardeur qu’il portait à toutes, choses, et découvrit un certain nombre de lois, ou mieux de règles générales, que doit avoir sans cesse présentes à l’esprit quiconque s’occupe de ces difficiles problèmes. Ainsi, presque uniquement descriptive entre les mains de Cuvier, l’anatomie comparée devint essentiellement philosophique dans celles de Geoffroy. On le voit, ces deux grands esprits se complètent ici l’un l’autre. Engagés par des routes diverses dans des études identiques au fond, tous deux ont dû parfois méconnaître ce qui les rapprochait, et lutter pour leurs doctrines. Ces discussions ont fait un bruit dont l’écho se prolonge encore. On sait quel en fut le résultat. Grâce à un concours de circonstances très diverses, l’avantage sembla presque toujours rester à Cuvier ; mais la postérité, plus équitable que les contemporains, confondra dans une égale reconnaissance les deux fondateurs de l’anatomie comparée. Déjà, peut-on dire, justice a commencé à être rendue : Geoffroy Saint-Hilaire a sa statue à Étampes, sa ville natale, en attendant qu’il en ait une au Muséum.

L’anatomie philosophique, pour mériter son titre nouveau, devait embrasser tous les cas possibles. La logique conduisait de l’étude des êtres normaux à celle de ces êtres bizarres, presque toujours incapables de vivre, que l’on regardait alors comme des caprices ou des erreurs de la nature. Geoffroy aborda ce nouveau problème avec l’assurance, la conviction du génie sûr de lui-même et de ses déductions. Il ne craignit pas d’affirmer à l’avance que les monstres obéissaient aux mêmes lois fondamentales que l’organisation la plus ordinaire ; que pour en expliquer la formation il ne fallait recourir à rien de nouveau ; qu’ils rentreraient à tous égards dans ses formules anatomiques. Chose étrange, et qui n’est pas encore assez généralement connue : non-seulement le fait justifia ces prédictions, taxées d’abord de témérité folle, mais encore, souvent par leurs caractères exceptionnels mêmes, les monstres révélèrent à celui qui savait si bien les interroger certaines lois du développement des animaux que voile pour ainsi dire une évolution régulière. Ramenés dès lors dans les règles communes, ils devaient, eux aussi, se prêter à un groupement, à une répartition logiques. M. Isidore Geoffroy s’empara de cette idée, leur appliqua les méthodes de la zoologie descriptive, les soumit à la nomenclature binaire, et systématisa la science de ces êtres qu’on avait crus en dehors de toute loi. Le père et le fils ont donc apporté tous deux une part distincte à cette œuvre, ils se partagent l’honneur d’avoir fondé la zoologie tératologique.

Les organes étudiés par l’anatomie descriptive ou philosophique se composent d’un certain nombre d’élémens ou tissus qu’on retrouve toujours les mêmes dans les diverses parties du corps. Ces tissus à leur tour devaient attirer l’attention, et un homme de génie porta de ce côté son examen. Bien qu’employant des procédés fort imparfaits encore, Bichat[22] marcha à pas de géant dans cette voie nouvelle, et, malgré la mort prématurée qui vint arrêter ses travaux, il a mérité d’être regardé comme le fondateur de l’anatomie générale.

Connaître parfaitement la forme des organes intérieurs ou extérieurs, les suivre dans leurs métamorphoses, dévoiler les rapports cachés qui les relient, en trouver les élémens communs, ne suffit pas à l’esprit humain. De tout temps, trop tôt, pourrait-on dire, il a voulu savoir comment ces diverses parties concourent à produire ce tout qu’on appelle un homme ou un animal. La physiologie est aussi ancienne qu’aucune autre science se rattachant aux êtres animés, et il faut lui consacrer quelques mots dans cette revue du passé.

Aristote et Galien avaient beau être de grands hommes, ils ne pouvaient bâtir sans les matériaux qui devaient s’accumuler lentement et de siècle en siècle. Leur physiologie, comme celle de leurs disciples de la renaissance, fut nécessairement plus qu’imparfaite ; elle le fut d’autant plus qu’on voulut devancer le temps et qu’on se jeta dans les hypothèses. Quelques bons esprits, il est vrai, résistèrent à ces tendances et cherchèrent dans l’expérimentation la base de leurs doctrines. Sanctorius[23] passa près de trente années de sa vie dans une balance pour déterminer les lois de l’évaporation cutanée et de la transpiration, mais il eut peu d’imitateurs. En général, dans les écoles de médecine, qui furent surtout le théâtre de ces variations, la physiologie erra au gré des théories qui régnaient dans les autres sciences ou des doctrines imaginées par quelques hommes supérieurs. Ainsi elle fut alchimique avec les médecins arabes et juifs, chimique avec Sylvius, mystique avec van Helmont[24], physique avec Boerhave, animiste avec Stahl, vitaliste avec Barthès[25]. Elle refléta aussi les doctrines philosophiques de son temps, et c’est alors surtout que, revêtant un caractère plus général, elle s’adressa aux animaux pour trouver la solution des problèmes les plus délicats. Le mode de propagation, les métamorphoses des insectes fournirent tour à tour des argumens aux partisans de l’épigénèse, à ceux de l’évolution, et le grand Haller[26] demanda à l’embryogénie du poulet l’histoire du développement de l’homme lui-même.

Les naturalistes, presque tous occupés de recueillir, de classer, de cataloguer, ne pouvaient guère songer à la physiologie. Quelques-uns pourtant s’engagèrent sur ce terrain, et en général avec plus de prudence que les médecins. Réaumur, Swammerdam[27], au milieu de leurs expériences et tout en faisant de l’anatomie, ne perdirent jamais de vue l’étude des fonctions, ni les grandes questions de la physiologie générale. Malheureusement ils n’eurent que bien peu d’imitateurs parmi les anatomistes. Ceux-ci méconnurent trop souvent les préceptes de Haller sur l’alliance intime qui doit unir l’anatomie et la physiologie. Cuvier lui-même mérita ce grave reproche, mais peut-être est-il excusable. Lui et ses disciples immédiats nous ont fait connaître les instrumens, à nous de rechercher comment ils agissent.

Toutefois la physiologie ne pouvait rester étrangère au grand mouvement scientifique qui marque la fin du dernier siècle et le commencement du nôtre. À ce moment, la physique et la chimie surtout, prenant un essor inattendu, laissèrent bien loin en arrière le savoir ancien, et bientôt, non contentes de régner sur la matière brute, elles voulurent soumettre à leurs lois les êtres vivans. Par sa théorie de la respiration, Lavoisier fonda le chimisme moderne[28]. Cette invasion, tant de fois inutilement tentée, des sciences physico-chimiques dans le domaine des êtres vivans eut cette fois des avantages réels. Quelques hommes, éminens d’ailleurs, voulurent, il est vrai, ne voir dans les animaux que des appareils analogues à ceux de nos laboratoires, et s’engagèrent ainsi dans la plus fausse voie. En revanche, ces physiciens, ces chimistes, exagérés eux-mêmes, apportèrent dans l’étude des êtres vivans leurs méthodes précises, leurs procédés perfectionnés. L’expérimentation prit une part de plus en plus large dans ces études, et la physiologie enregistra bientôt des résultats positifs de la plus haute importance. On en vint à distinguer des phénomènes purement vitaux, ceux qui, quoique s’accomplissant toujours sous l’influence de la vie, conservent à un degré plus ou moins grand le caractère des phénomènes physico-chimiques. Néanmoins, dans cette voie nouvelle, la science sembla vouloir se restreindre. Elle s’en prit à quelques mammifères, à quelques oiseaux, et cela faute de pouvoir s’adresser à l’homme lui-même. Rarement elle descendit jusqu’aux reptiles ; presque jamais elle n’atteignit les invertébrés. La physiologie expérimentale prit de plus en plus un caractère essentiellement humain et médical, et jusqu’à ces derniers temps elle n’a eu presque rien de commun avec la zoologie.

Je n’ai cherché, dans ce qui précède, ni à faire l’histoire complète, ni même à tracer une esquisse historique de la zoologie. Je n’ai pas eu davantage l’intention d’indiquer tous ceux qui lui ont rendu des services éclatans. Trop de morts illustres, trop de vivans justement célèbres auraient à se plaindre de mon silence. Il m’était d’ailleurs impossible de signaler la nature, parfois très diverse, des travaux de chacun des hommes que j’ai nommés. Qui ne sait pourtant que Blainville a été en zoologie autre chose qu’un théologien intolérant, que Lamarck a dû à ses ouvrages descriptifs le surnom de Linné français, que Geoffroy a débrouillé et classé les groupes les plus difficiles des mammifères ? Préoccupé du but de cette étude, j’ai voulu seulement indiquer les principales tendances manifestées par la science dans le cours de son développement et attacher à chacune d’elles un de ces noms qui la caractérisent nettement. Or, si, laissant de côté les détails, on cherche les résultantes générales de ces directions diverses, on trouvera que de la renaissance à la mort de Cuvier et de Geoffroy la zoologie a été d’abord descriptive, puis anatomique. Il nous reste à montrer quels ont été les progrès accomplis dans ce dernier quart de siècle et quels rameaux nouveaux ont poussé sur le tronc fertile de la science zoologique.


II

La zoologie moderne n’a eu à répudier aucune de ses tendances passées : logiquement déduites les unes des autres, elles ont chacune apporté au fonds commun des acquisitions réelles, et qui s’accroissent journellement par des efforts semblables. Pour être moins fréquemment nécessaire, pour se montrer avec moins d’appareil, l’érudition classique est toujours également en honneur chez les naturalistes. Grâce aux efforts des voyageurs, aux investigations des collecteurs indigènes, nos musées regorgent de richesses qui trouvent, une place toute faite dans les cadres préparés d’avance. Chaque jour quelque animal nouveau, décrit d’ordinaire avec un soin extrême, vient grossir ; le catalogue, déjà effrayant, des espèces vivantes ou éteintes. Une foule de mémoires, de monographies, de grands ouvrages généraux, accusent la marche incessante de la zoologie descriptive, qui laissera de notre époque un véritable monument dans les Suites à Buffon[29].

Dans tous ces ouvrages, la nomenclature binaire cette grande invention de Linné, est seule employée ; les classifications oscillent généralement autour de celles qu’avaient proposées nos illustres devanciers. Toutefois la méthode, en se perfectionnant chaque jour, a fait distinguer entre les êtres vivans, entre les animaux en particulier, deux sortes de rapports bien distincts. On s’est aperçu que certains traits de ressemblance accusaient un voisinage réel, une sorte de parenté, tandis que d’autres indiquaient seulement des analogies existant entre des êtres d’ailleurs très différens et, appartenant, parfois à des groupes assez éloignés. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet ; bornons-nous à dire ici que ces faits bien reconnus ont donné naissance aux classifications appelées paralléliques par M. Isidore Geoffroy, qui le premier a représenté à la fois par ce moyen les affinités et les analogies des mammifères.

La zoologie générale s’est enrichie ; de nombreux et importans travaux relatifs à la distribution géographique des animaux. M. Forbes, étendant à la mer cette sorte de recherches, en a sondé les abîmes, et mis hors de doute deux faits aussi importans que curieux : le premier, que toute vie s’arrête à une profondeur assez peu considérable ; le second, que les animaux sont distribués autour des rochers et des montagnes sous-marines en zones superposées, qui restent constamment distinctes ou ne se confondent que par l’intermédiaire de quelques espèces errantes ; Toutefois la zoologie géographique ne possède aucun ouvrage qui résume les faits et en expose les lois.. Moins heureuse que la botanique, elle attend, encore son Alphonse de Candolle.

On pourrait en dire à peu près autant de la paléontologie, qui touche aussi par tant de côtés à la zoologie générale. À mesure qu’elle grandit, cette branche de la science semble s’écarter du tronc qui lui donna naissance et tendre à se confondre avec la géologie. Là elle a formé toute une école qui mesure les révolutions du globe aux variations des faunes éteintes. Par suite de cette tendance même, elle s’attache aujourd’hui de préférence aux dépouilles des invertébrés et récolte avec plus d’empressement les coquilles et les polypiers que les ossemens fossiles. Du reste elle enfante chaque jour des ouvrages considérables et d’une incontestable valeur ; mais aucun n’embrasse dans leur ensemble ces milliers de détails, relevés presque toujours en vue des applications géologiques : bien peu en signalent l’importance zoologique. Et pourtant quel plus magnifique but de recherches et de méditations pour un esprit élevé que la succession des espèces animales à la surface du globe, l’apparition et la disparition des types divers, les traces que chacun d’eux a laissées dans la création actuellement vivante, — l’étude enfin des rapports nécessaires qui, à travers les transmutations et les cataclysmes, relient toujours l’un à l’autre l’animalité et le monde ambiant ?

Les instincts utilitaires de notre époque, si fortement prononcés dans les sciences physico-chimiques, ne pouvaient manquer de se manifester dans les sciences naturelles, dans la zoologie en particulier : ne nous en plaignons pas. On comprendra mieux l’importance du savoir pur en jouissant de ses applications. D’ailleurs, pour être devenues industrielles au premier chef, la chimie, la physique, n’ont rien perdu de leur élévation intellectuelle. Que les savans de profession conservent pieusement le feu sacré, mais qu’ils ne le tiennent pas dans l’ombre et le laissent réchauffer, éclairer ceux qui demandent la chaleur et la lumière. En parlant ainsi, je ne crains pas qu’on se méprenne sur le sens de mes paroles. Ce n’est pas moi qu’on accusera d’être un utilitaire exagéré ; j’ai trop souvent ici même pris la défense de la science pure contre ceux qui en méconnaissent à la fois et l’importance et les bienfaits réels. Expression la plus élevée de tout un côté de l’intelligence humaine, elle ne saurait se ralentir dans ses progrès sans trahir par cela même une profonde et déplorable décadence. Mère de tout ce qu’admirent et demandent les hommes pratiques, elle ne pourrait déchoir sans entraîner la déchéance même des applications. Néanmoins jamais je n’ai méconnu ce qu’il y a de légitime, de glorieux et de profondément caractéristique pour notre siècle dans cette utilisation de la science. Jusqu’à ce jour, la zoologie avait été négligée à ce point de vue. On reconnaît enfin que seule elle peut résoudre une foule de problèmes qui touchent au bien-être de populations entières, aux raffinemens du luxé aussi bien qu’aux nécessités premières. Déjà, sous l’influence de ces idées nouvelles, un enseignement de zoologie appliquée ou zootechnie a été fondé à Paris ; la Société d’acclimatation s’est fondée. Sous l’habile direction de M. Isidore Geoffroy, cette société a pris un développement remarquablement rapide. Née il y a quatre ans à peine, elle réunit dans une pensée commune des hommes de tout rang, de toute fortune, de toute profession, qui tous viennent demander à la science de féconder leurs efforts pratiques ; elle a des représentans dans les quatre parties du monde et compte dans ses rangs plusieurs têtes couronnées. Certes le zoologiste le plus dévoué ne peut que saluer avec joie un mouvement qui popularise notre belle science, et lui donne de plus en plus dans l’opinion publique un rang égal à celui que ses sœurs avaient conquis précisément par leurs applications.

En même temps qu’elle se développait dans les divers sens que nous venons d’indiquer, la zoologie devenait de plus en plus anatomique. À part quelques entomologistes, quelques conchyliologistes, quelques ornithologistes incorrigibles, et qui tiennent plus de l’amateur que du savant, les zoologistes comprennent aujourd’hui que, pour connaître un animal, il faut l’étudier en dedans aussi bien qu’en dehors. En ce sens, on peut dire qu’ils sont tous à des degrés divers les disciples de Cuvier.

Ils ne le sont pas moins de Geoffroy Saint-Hilaire. Sans prétendre, sans croire peut-être s’occuper d’anatomie philosophique, les débutans eux-mêmes en font à chaque instant. Journellement, à propos d’un animal quelconque et des espèces appartenant aux groupes les plus différens, on applique les règles formulées par Geoffroy, sans même les rappeler. Rien, ce nous semble, ne prouve au même degré tout ce qu’il y avait de profondément vrai dans ces découvertes, qui datent à peine d’un demi-siècle. Elles sont si bien entrées dans le savoir public, qu’on en oublierait l’auteur, si ceux qui ont été presque ses contemporains ne rappelaient son nom de temps à autre. Cela même rend plus étrange l’oubli où semble être tombée la zoologie tératologique. Sans doute, lorsqu’on rencontre un de ces êtres bizarres dont un arrêt ou un excès de développement a profondément altéré les formes, on est bien forcé de le remarquer ; mais presque toujours on se contente d’en décrire l’extérieur, de le nommer, de le placer dans un bocal, comme si on regrettait de le détruire en le disséquant. Rien d’ailleurs ne vient réunir ces faits isolés et épars dans une foule de recueils. Depuis l’ouvrage de M. Isidore Geoffroy, la tératologie n’a pas fait un véritable progrès. Seule de toutes les branches de la science, elle subit un temps d’arrêt marqué, et ce fait est d’autant plus à regretter, que par sa nature elle touche à toutes les autres, à la zoologie pure comme à la physiologie.

En revanche, l’anatomie générale a pris un développement des plus remarquables. Empruntant à la physique ses verres grossissans et ses microscopes, à la chimie ses réactifs, elle a poussé presque à ses limites extrêmes l’étude des tissus, et sous le nom d’histologie est devenue en quelque sorte une science à part, qui se rattache intimement à la physiologie. Les naturalistes, restés trop longtemps en arrière, rejoignent aujourd’hui les médecins sur ce terrain, qui doit être commun ; et la science gagne chaque jour, en enregistrant tantôt les différences et tantôt les ressemblances très grandes que le règne animal présente à ses deux extrémités dans les élémens anatomiques premiers de l’organisation.

L’histoire du développement des animaux, l’embryogénie, a fait aussi d’immenses progrès, dus surtout aux zoologistes. Entre les mains de nos devanciers, elle s’arrêtait volontiers aux oiseaux ou aux reptiles. De nos jours, elle s’est adressée à tous les embranchemens, à toutes les classes. De grands résultats ont été le fruit de ces efforts. La connaissance des métamorphoses s’est agrandie et étendue ; des phénomènes entièrement nouveaux ont été découverts. Les doctrines ont pu se raffermir et devenir générales. J’ai naguère essayé dans ce recueil de formuler à mon point de vue l’ensemble de ces faits, et je ne puis aujourd’hui que renvoyer le lecteur à ces travaux[30]. Pourtant je crois devoir consigner ici un fait capital constaté depuis l’époque où ils parurent. On n’avait alors remarqué chez aucun vertébré à l’exception des batraciens, de métamorphoses proprement dites. On a depuis découvert ce mode de développement chez les poissons. L’ammocèle, si commune dans nos ruisseaux, et regardée jusque-là comme le dernier représentant de sa classe, n’est pas un animal parfait ; elle n’est que la larve de la lamproie. Dans les deux dernières classes de vertébrés, on rencontre donc des espèces à développement en partie extérieur. C’est là un caractère de dégradation qu’il faut ajouter à tous ceux qui établissent la supériorité relative des oiseaux et des mammifères.

Le fait seul de ces travaux histologiques et embryogéniques accuse chez les zoologistes de notre époque des préoccupations physiologiques généralement bien étrangères à leurs prédécesseurs ; mais cette tendance me semble encore plus caractérisée par l’entraînement si marqué vers l’étude des animaux inférieurs, et surtout vers celle des espèces transparentes. Ici la machine animale, se démontant pour ainsi dire pièce à pièce, finit par ne plus conserver que les organes fondamentaux, et la nature intime des fonctions se laisse bien mieux pénétrer. Armé du microscope, l’œil peut aller fouiller au milieu de ces organismes vivans sans les détruire, sans même les altérer, et prendre pour ainsi dire la nature sur le fait. Aussi la physiologie générale, cessant de reposer sur des hypothèses gratuites ou sur des faits mal interprétés, parce qu’ils étaient mal connus, a-t-elle immensément gagné depuis un quart de siècle, et ces progrès, elle les doit surtout aux zoologistes, qui de la connaissance des formes extérieures ou intérieures ont voulu remonter à celle des fonctions.

La zoologie moderne n’est donc pas seulement restée descriptive et anatomique ; elle est allée plus loin. Entraînée par la logique des faits et des idées, elle a marché dans sa voie nouvelle d’abord sans se rendre bien compte de ce changement de direction. Il lui a fallu quelque temps pour acquérir la conscience de ce progrès. Voilà douze ans à peine qu’un journal, parlant des travaux de l’Académie des Sciences, appliqua ironiquement les expressions de zoologistes physiologistes à M. Edwards et à quelques jeunes travailleurs groupés autour de lui. Les uns et les autres acceptèrent de très grand cœur, et comme caractérisant au mieux leurs tendances, ce titre qu’on leur donnait comme un blâme et par dérision. Cette petite école, sur laquelle on appelait le ridicule, a bien grandi depuis lors : elle compte aujourd’hui de nombreux adeptes en Allemagne, en Suède, en Norvège, en Angleterre, partout où la science déploie une activité réelle. Chose remarquable, quoique très naturelle, c’est en suivant la voie frayée par les naturalistes français que les savans de ces diverses contrées arrivent à se ranger sous la même bannière. Là comme chez nous, l’étude de plus en plus sérieuse des animaux inférieurs a modifié les anciennes idées et fait pressentir de nouveaux horizons. Là comme chez nous, c’est le monde marin qui conduite l’évidence et commande les convictions. Ce mouvement se prononce et se généralise chaque jour d’une manière plus frappante. Tous les ans, des universités allemandes, russes, suisses ou Scandinaves part une foule de naturalistes, de médecins, qui émigrent vers les côtes de la Baltique, de l’Océan ou de la Méditerranée. Tous les ans, chacun revient avec sa moisson de faits et de déductions, qui chaque fois jettent un jour nouveau sur la physiologie comparée. Et ce ne sont pas seulement des étudians, des privat docent, qui marchent ainsi sur nos traces. Des professeurs, des savans justement célèbres, n’hésitent pas à faire de même. L’illustre Müller, le chef des physiologistes allemands, après avoir pendant vingt ans demandé aux animaux supérieurs les secrets de la vie, a compris qu’il devait, lui aussi, aller s’instruire au bord de la mer. Il compte aujourd’hui sept ou huit campagnes de ce genre, et c’est à elles qu’il doit quelques-uns, de ses titres scientifiques les plus glorieux.

Ainsi la zoologie et la physiologie, si longtemps regardées comme distinctes, cherchent mutuellement à se rapprocher. La zoologie physiologique, qui leur sert de lien, grandit à la faveur de cette double tendance, et M. Edwards en est resté le chef reconnu. Il n’y a là que justice. Peu d’hommes ont donné à la science qu’ils cultivent des gages aussi nombreux, aussi complets que ce savant. Associé à M. Audouin, il est entré le premier dans la voie des études maritimes dont nous venons de signaler l’influence. Il a d’ailleurs touché à toutes les branches de la zoologie, et dans toutes il a laissé sa trace. La liste de ses ouvrages présente en zoologie méthodique des recherches sur la classification des vertébrés aussi bien que sur celle des mollusques, des annelés et des rayonnes ; en zoologie descriptive vivante ou fossile, plusieurs livres généraux, devenus classiques ; en zoologie générale, des recherches sur les centres de création, sur la répartition géographique des crustacés ; en anatomie proprement dite, une foule de mémoires dont nous ne pourrions même indiquer les principaux ; en anatomie philosophique, des études sur le squelette des crustacés, regardées par Geoffroy comme un modèle du genre, etc. Mais ce qui caractérise M. Edwards mieux encore que tous ces travaux, quelque remarquables qu’ils soient d’ailleurs, c’est que jamais il ne perd de vue le côté physiologique du sujet qui l’occupe, c’est qu’il le met constamment en saillie et s’en sert pour éclairer les autres points de la question.

Cette tendance générale, M. Edwards l’a transportée dans son enseignement. Là encore il a dû envisager la science sous tous ses aspects. Jeune professeur à l’École centrale des arts et manufactures, il a dû s’occuper des applications à l’agriculture, à l’industrie, à l’hygiène privée et publique. À la Sorbonne, comme suppléant de Geoffroy, comme professeur titulaire, il a embrassé le règne animal dans son ensemble, tantôt plus spécialement en zoologiste classificateur, tantôt en anatomiste et en physiologiste. Au Jardin des Plantes, chargé du cours d’entomologie, qui comprend les crustacés et les insectes, il a été conduit à examiner en tous sens l’histoire de cet embranchement des annelés, un des mieux faits pour élargir et redresser les idées que nous avaient léguées nos prédécesseurs. Pour chacun de ces enseignemens, M. Edwards ne s’est jamais tracé de cadre absolu. Nous l’avons vu nous-même remanier chaque année le cours de l’année précédente, cherchant sans cesse à perfectionner, à découvrir quelque nouveau joint, et de ce travail incessant, fécondé par le savoir personnel, est résultée une érudition solide et éclairée à laquelle rendent justice de nombreux et assidus auditeurs.

C’eût été grand dommage que les résultats d’un semblable labeur disparussent avec celui qui a su les acquérir. Heureusement M. Edwards devait obéir à la logique de tout esprit vraiment élevé, et chercher à coordonner, ne fût-ce que pour lui-même, l’ensemble de ses connaissances. Sans renoncer aux recherches spéciales[31], il a entrepris presque coup sur coup deux ouvrages, tous deux rédigés dans ce sens. Dans l’un, il résume plus spécialement les idées qui l’ont guidé au milieu de ses travaux et de son enseignement oral ou écrit ; l’autre doit être pour ainsi dire la preuve et le développement du précédent, en même temps qu’il doit présenter le tableau détaillé de la science actuelle. Tous deux, bien qu’inachevés, caractérisent très nettement les tendances de M. Edwards et celles de l’école qu’il représente. Le premier surtout renferme, on peut le dire, tout un corps de doctrines, et à ce titre doit appeler particulièrement notre attention.


III

La création vivante est pour ainsi dire l’infini animé. Qu’il parcoure du regard les airs, la terre ou les eaux, le naturaliste aperçoit partout et à toute heure des êtres en train de naître, de se développer, de mourir. S’il creuse les entrailles du globe, il rencontre les ossemens, les moules, les empreintes de milliers de générations éteintes, et un premier fait ressort de cet examen : c’est l’extrême variété qui règne au milieu de toutes ces richesses. Chaque espèce diffère de tout le reste de la création ; dans une même espèce, les individus ne sont jamais rigoureusement semblables, et l’individu, comparé à lui-même, varie à chaque phase de son existence. « Les organismes, dit M. Edwards, ne sont réellement identiques ni dans le temps, ni dans l’espace. La première condition imposée à la nature dans la formation des animaux semble être la diversité des produits. »

Une étude quelque peu attentive révèle un second fait général, indiqué sans doute depuis longtemps, mais dont on était loin d’avoir apprécié toute l’importance : c’est que cette variété extrême s’obtient toujours à peu de frais. La liste des combinaisons anatomiques et physiologiques possibles est bien loin d’être close, et notre esprit peut facilement concevoir une foule de formes et de machines animales très rationnelles qui n’ont pas encore été réalisées, qui ne le seront peut-être jamais. On dirait que la nature répugne aux innovations, et qu’avant de créer un nouveau modèle, elle s’efforce de tirer tout le parti possible de ceux qu’elle s’était déjà donnés. Les modifications les plus légères, les retouches les plus insignifiantes, lui suffisent pour multiplier et diversifier ses œuvres à l’infini. Prenons pour exemple deux de ces groupes, tellement naturels que le vulgaire lui-même y rapporte sans hésiter les espèces qui en font partie. Examinons la classe des oiseaux et celle des insectes. Existe-t-il dans la première d’une extrémité à l’autre quelque différence essentielle ? Non, partout dans ce groupe l’organisme se compose des mêmes matériaux juxtaposés dans le même ordre. À l’intérieur quelques variations légères dans les proportions, à l’extérieur les teintes multipliées du plumage ont suffi pour caractériser plus de sept mille espèces. Chez les insectes, les faits sont plus frappans : l’ordre auquel appartiennent le hanneton et les scarabées compte à lui seul plus de quarante mille espèces déjà inscrites dans les catalogues entomologiques, et on en découvre chaque jour de nouvelles. Eh bien ! il n’existe pas entre elles plus de différences qu’entre les espèces d’oiseaux. Au reste, ce n’est pas seulement dans la création actuelle que se manifeste le fait que nous signalons, on le retrouve tout aussi évident quand on examine les faunes les plus anciennes. Là aussi la nature semble s’être posé le problème de multiplier à l’infini les différences tout en changeant le moins possible les matériaux et la mise en œuvre. Des premiers âges paléontologiques jusqu’à nos jours, on la voit obéir à ces deux lois en apparence opposées, la loi de variété et la loi d’économie. Rechercher les moyens employés pour satisfaire à l’une et à l’autre, tel est le but principal de l’ouvrage que nous examinons.

Au premier rang des causes de variété, il faut placer l’inégalité dans la perfection avec laquelle s’accomplissent les fonctions. On sait depuis longtemps que dans le règne animal, considéré à ce point de vue, il existe des espèces supérieures et des espèces inférieures, que de l’éponge au mammifère la distance est immense, et comblée par des milliers d’intermédiaires. Des faits pareils se présentent dans chacun des groupes primaires et secondaires. Là aussi, la supériorité et l’infériorité relatives se manifestent clairement de la première à la dernière des espèces. Enfin l’individu n’est pas toujours égal à lui-même. De l’état de germe à celui d’embryon, de nouveau-né, d’enfant et d’adulte, l’homme parcourt une échelle immense, change sans cesse, gagne à chaque pas. Ainsi, pour satisfaire à la grande loi de variété dans l’ensemble comme dans les détails, la nature avant tout perfectionne. Déterminer les procédés de ce perfectionnement est donc d’une haute importance : c’est par là que commence M. Edwards, et il est inutile de faire remarquer ce qu’il y a de profondément physiologique dans ce point de départ.

Usant d’une comparaison qui revient souvent sous sa plume, l’auteur rapproche l’animal des machines employées dans une usine. Il est évident qu’on demande à celles-ci deux choses bien distinctes, — la quantité et la qualité des produits. Toutes choses égales d’ailleurs, un rendement plus considérable, une somme de travail industriel plus élevée est pour les machines un caractère de supériorité. Or, pour atteindre ce but, l’industrie agit de deux manières : tantôt elle augmente la puissance d’une machine donnée, comme lorsqu’il s’agit d’une locomotive dont elle accroît les dimensions ; tantôt elle multiplie les parties actives, comme lorsqu’elle ajoute un certain nombre de broches à un métier de filature. Dans les deux cas, il y a un surplus de matière employée et mise en jeu pour obtenir un résultat plus grand. Quelque chose de tout semblable se rencontre dans le règne animal. Toutes les autres conditions étant égales, la masse des tissus vivans qui entrent dans la composition d’un organisme est en rapport avec la quantité de travail fonctionnel. Augmenter cette masse, c’est donc perfectionner l’animal d’une certaine façon, et cette augmentation s’effectue comme dans nos ateliers, tantôt par le simple accroissement de toutes les parties, tantôt par la multiplication de quelques-unes. Le tigre n’est au fond qu’un chat plus grand, et par cela seul plus fort et plus puissant ; la phyllodocée lamelleuse, qui compte jusqu’à huit ou neuf cents anneaux parfaitement semblables, qui atteint jusqu’à sept ou huit décimètres de long, diffère à peine, sous tous les autres rapports, des annélides voisines, qui n’ont qu’une centaine d’anneaux et un ou deux décimètres de longueur. Tous deux sont néanmoins très faciles à distinguer de leurs congénères. Chez tous les deux, par l’accroissement de la masse, la nature a perfectionné et par cela même a satisfait à la loi de variété. La loi d’économie se trouve également observée, puisque, pas plus dans le tigre que dans la phyllodocée, aucun appareil, aucun organe ne diffère de ceux des espèces les plus rapprochées. Dans le premier cas, on ne trouve pas la moindre innovation ; dans le second, il y a simple répétition de ce qui existait déjà.

Le procédé si simple de la répétition est un des plus fréquemment employés à l’extérieur comme à l’intérieur de l’économie animale. Il joue un grand rôle en physiologie. Sans entrer dans le détail de ces applications si diverses, si multipliées, signalons une de celles dont le résultat est le plus frappant. Pour partager le règne animal tout entier en quatre groupes fondamentaux, construits sur un plan essentiellement distinct, il a suffi que les parties similaires ou homologues fussent répétées suivant des règles différentes. Groupées autour d’un point unique qui sert* de centre, elles donnent naissance aux rayonnes, dont les astéries ou étoiles de mer peuvent être regardées comme le type. Disposées en séries longitudinales à droite et à gauche d’un plan médian, elles caractérisent le type des annelés, si profondément empreint chez les mille-pieds. Les mollusques se reconnaissent à la rareté des répétitions, à l’absence de symétrie, si facile à constater chez le colimaçon. Enfin les vertébrés réunissent en quelque sorte les caractères des deux derniers types. Les organes des sens et du mouvement, le système nerveux qui les anime, présentent à un haut degré la disposition symétrique binaire et la tendance à la répétition longitudinale des annelés, tandis que l’appareil digestif et les autres organes de nutrition rappellent ce qui se voit chez les mollusques. Sans doute d’autres caractères différentiels viennent s’ajouter à ceux-ci, mais ils ne font que confirmer ce qu’indiquait la forme générale et séparer plus profondément ce qu’elle aurait suffi à distinguer.

Le plus puissant moyen mis en œuvre par la nature pour perfectionner les organismes et établir entre les groupes, entre les espèces d’animaux la merveilleuse variété qui les distingue, est incontestablement la division du travail fonctionnel. Ici encore l’industrie humaine fournit un terme de comparaison facile à saisir, et qui explique le fait physiologique. Qu’on se rappelle ce qui arrive là où le même individu doit à la fois soigner et tondre ses bestiaux ; préparer, teindre et filer la laine ; tisser le drap ; tailler et façonner les vêtemens : quelle grossièreté, quelle inégalité, quelle imperfection partout ! Pour arriver à fabriquer ces étoffes moelleuses qui nous réchauffent en hiver, ces tissus légers qui semblent nous rafraîchir en été, il a fallu répartir le travail entre une multitude de mains et inventer autant de machines que la fabrication compte de phases. L’atelier du tailleur est le rendez-vous d’une foule d’industries, et ici encore les rôles sont partagés. Il en est de même chez les animaux. Là où les fonctions de sensation, de mouvement, de nutrition, etc., s’accumulent dans un petit nombre d’organes bons pour ainsi dire à tout faire, elles restent obscures et incomplètes ; elles n’atteignent tout leur développement que dans des organismes très complexes, et où chacune d’elles a son instrument spécial. Le progrès physiologique nécessite donc une certaine complication anatomique croissante. Par cela même, il entraîne une différenciation proportionnelle des espèces, et produit la variété. Il nous reste à voir quelle part est faite à l’économie dans l’application de ce procédé.

Et d’abord, le perfectionnement anatomique et physiologique ne porte jamais à la fois sur l’organisme tout entier. En passant d’un groupe à un autre, d’une espèce à l’espèce voisine, on voit à chaque instant la machine animale se développer dans quelqu’une de ses parties, rester stationnaire dans les parties les plus connexes. Les crustacés et les insectes, par exemple, appartiennent au même embranchement, et sont construits sur un type fondamental identique : quelle différence pourtant sous le rapport des fonctions et des organes circulatoires et respiratoires ! Les premiers ont un cœur volumineux et robuste pour chasser le sang, des artères bien développées pour conduire dans toutes les parties du corps ce liquide nourricier, lequel revient aux branchies, sinon par des veines proprement dites, du moins par des routes nettement tracées. Les insectes au contraire n’ont aucune trace d’artères, et le vaisseau dorsal, qui chez eux représente le cœur, n’agite que par faibles ondées le sang épanché dans les larges lacunes du corps. En revanche, les premiers ne possèdent pour appareil respiratoire que des branchies à surface restreinte, tandis que chez les seconds un riche lacis de vaisseaux aériens va porter l’air jusqu’au fond des plus petits organes et donner par momens à la respiration une activité extrême. Considérés sous le rapport qui nous occupe, les organismes qui se suivent de plus près ne sont jamais ou plus élevés ou plus bas placés d’une manière absolue. Celui qui l’emporte par le développement d’un organe, d’une fonction est inférieur à quelque autre titre. Les espèces, les groupes chevauchent donc pour ainsi dire les uns sur les autres. Il est facile de voir quelle diversité extrême doit naître précisément de cette singulière parcimonie, d’où il résulte que la machine animale, au lieu de s’améliorer en masse, ne se perfectionne.que par portions souvent très restreintes.

La tendance à l’économie se manifeste d’une façon bien remarquable dans chacun de ces perfectionnemens partiels eux-mêmes. Lorsque la nature se décide à localiser une fonction exercée jusque-là par l’organisme tout entier, elle ne se croit pas pour cela obligée de créer un instrument nouveau. Presque toujours au contraire elle commence par utiliser quelques-uns des organes déjà existans en se bornant à l’approprier à cet usage de surcroît. Ces espèces d’emprunts physiologiques sont curieux à suivre, surtout dans l’histoire de la respiration. Chez un très grand nombre d’animaux, d’une complication anatomique assez grande déjà, cette fonction s’exerce encore par toute la surface du corps. Certaines annélides sont évidemment dans ce cas. Chez d’autres, elle se localise d’abord vers la base des pieds, qui ne changent en rien de forme, mais où la peau devient seulement plus mince et se couvre de cils vibratiles. Chez quelques autres, les espèces de languettes désignées sous le nom de cirrhes s’allongent, deviennent plus vasculaires, et jouent le rôle de branchies. Plus tard seulement, on voit se montrer des organes respiratoires proprement dits. Chez les crustacés inférieurs, nous constaterions des faits presque semblables. Ici encore, la peau d’abord, puis les pattes, puis une portion seule de ces dernières servent à la respiration. Le tube digestif lui-même est souvent utilisé au profit de cette fonction. Chez les mollusques tuniciers, qui occupent le dernier rang de leur embranchement, la portion du canal alimentaire qui représente la bouche et l’arrière-bouche remplace les branchies qu’on trouve chez leurs frères plus élevés. Au contraire la fonction respiratoire est dévolue à la partie postérieure du tube digestif dans quelques naïs, dans quelques annélides inférieures, et dans la larve de ces beaux insectes que tout le monde connaît sous les noms de libellules ou de demoiselles. Toutes les fonctions primaires, secondaires, etc., examinées une à une, nous présenteraient des faits analogues. Il est facile de, voir comment dans ce cas encore l’économie devient une cause de variété.

Nous pourrions emprunter, soit à l’ouvrage de M. Edwards, soit à nos propres souvenirs, une foule d’autres exemples de cette espèce d’avarice ; dans les moyens alliée à la plus magnifique profusion dans les résultats ; nous nous bornerons à un seul, important à signaler à raison des conséquences qui en découlent.

Rappelons d’abord que le règne animal présente quatre types fondamentaux nettement caractérisés et distincts les uns des autres, lors même que par une abstraction tout idéale on les réduit à de simples lignes. L’observation et l’expérience, l’anatomie aussi bien que l’examen extérieur, ont depuis longtemps fait justice de l’idée d’une série animale unique conduisant de l’éponge jusqu’à l’homme. La paléontologie, l’embryogénie, interrogées à leur tour, ont donné sur ce point la même réponse. La première a certainement comblé des vides et adouci des transitions, mais elle n’a nullement réuni les vertébrés à aucun des trois autres embranchemens, elle n’a pas détruit les différences essentielles qui séparent ces derniers les uns des autres. La seconde a montré chacun des quatre types se prononçant alors que le germe mérite encore à peine le nom d’embryon. Dès les premiers âges du monde comme dans les premiers temps du développement, l’animalité à la surface du globe, l’individu dans son œuf, nous apparaissent sous l’une des quatre formes qu’a précisées le génie de Cuvier. Tout animal est vertébré, annelé, mollusque ou rayonné. Chacun de ces quatre grands troncs se divise ensuite en branches donnant elles-mêmes naissance à des rameaux et à des ramuscules. Ces divisions secondaires ou tertiaires ont aussi leurs caractères propres, essentiels, écartant de toutes les autres les espèces qui les composent.

Or, — et c’est ici que la loi d’économie se montre dans toute sa puissance, — la nature n’a pas imaginé pour chacun de ces embranchemens, pour chacune de leurs dépendances, des moyens particuliers de varier et de distinguer les espèces. Partout au contraire elle se répète et reproduit les mêmes procédés de différenciation. Un seul exemple, emprunté aux animaux les plus connus, fera facilement saisir ce fait et les conséquences qu’on en peut tirer. Le type général des mammifères présente deux modifications. Chez les uns, les plus nombreux et qu’on trouve partout, les petits se développent à l’intérieur de la mère et viennent au monde faibles sans doute, mais entièrement formés. Chez les autres, dont la patrie est surtout la Nouvelle-Hollande, les jeunes quittent le sein maternel encore à l’état d’embryon, et passent les premiers temps de leur existence dans une poche placée sous le ventre des femelles. Des particularités anatomiques sur lesquelles il est inutile d’insister coïncident avec ces faits physiologiques fondamentaux. Les mammifères ordinaires et les mammifères marsupiaux forment donc deux groupes distincts. Or tout le monde sait que de légères différences dans les dents, le tube alimentaire, les organes de locomotion, etc., constituent chez les premiers autant de caractères, qui les ont fait partager en un certain nombre de groupes secondaires appelés ordres. Des modifications presque identiques se retrouvent chez les seconds, et devaient se traduire de même dans les classifications. On peut conclure de là que l’ensemble des mammifères se décompose en deux séries ayant chacune ses carnassiers insectivores, ses rongeurs, ses ruminans, etc.

Ainsi la loi d’économie, que nous avons vue jusqu’à présent servir à établir des différences, à éloigner les espèces l’une de l’autre, produit ici un résultat inversé. Elle fonde entre les espèces appartenant à deux séries radicalement distinctes des rapports en quelque sorte collatéraux. C’est à ces rapports qu’on donne dans la méthode naturelle le nom d’analogies, et les espèces rattachées ainsi entre elles, quoique appartenant à des groupes parfois fort éloignés, sont appelées analogues zoologiques ou termes correspondans. La recherche de ces analogies, la détermination de ces termes, sont devenues avec raison une des principales préoccupations de la science moderne. On a pu ainsi mieux démêler les affinités directes, les véritables parentés zoologiques, et l’ensemble du règne animal s’est trouvé éclairé d’un jour tout nouveau. M. Isidore Geoffroy a donc rendu à la science un véritable service en insistant plus que tout autre sur l’importance de cette étude, en s’efforçant le premier d’en traduire les résultats par la classification parallélique dont nous avons parlé.

Nous pourrions suivre M. Edwards jusqu’au bout de son livre, rechercher avec lui comment au milieu des modifications innombrables de l’espèce apparaissent toujours et se conservent intacts les types fondamentaux ou secondaires ; comment s’établissent ou se manifestent des harmonies organiques, tantôt rationnelles, tantôt purement empiriques ; nous pourrions discuter avec lui la doctrine de la subordination des caractères, celle des caractères dominateurs. Ce serait toutefois aller peut-être au-delà de notre but, qui est de montrer surtout, d’après cet ouvrage, les tendances qui prévalent de nos jours dans la zoologie. On a pu voir comment la physiologie la plus élevée a inspiré l’Introduction à la zoologie générale, et comment, éclairé par elle, l’esprit comprend et coordonne sans peine une foule de faits anatomiques, embryogéniques et même paléontologiques, trop souvent regardés comme dépourvus de liens. Rattacher à la physiologie toutes les autres branches de la zoologie, celles-là mêmes qui semblent lui être le plus étrangères, telle était l’intention de l’auteur, et cette intention, dès aujourd’hui, on peut la regarder comme pleinement réalisée.

L’Introduction à la zoologie générale s’adressait à deux classes de lecteurs : aux hommes qui, déjà au courant de la science, veulent en coordonner les détails, et à ceux qui, sans être spéciaux, désirent se faire une idée des principes généraux de la zoologie. Pour les uns et les autres, un exposé rapide des doctrines, appuyé sur un petit nombre de faits décisifs, devait suffire, et l’ouvrage de M. Edwards a été conçu dans cet esprit. Les Leçons de physiologie devaient aller à un public différent et nécessitaient un mode d’exposition tout autre. Ici l’auteur parlait ou à des étudians qu’il fallait mettre au courant des faits et des idées élémentaires, ou à des savans curieux de renseignemens précis et minutieux. Sous ce double rapport, les Leçons de physiologie satisfont largement à toutes les exigences. Un texte détaillé, et cependant très clair, forme le corps de l’ouvrage. Un double système de notes permet à l’auteur, tantôt de creuser plus avant une question délicate, tantôt de faire quelqu’une de ces réserves que commande l’état encore imparfait de nos connaissances, toujours d’indiquer les sources où il a puisé.

Dans un livre comme dans un cours, il y a deux manières de présenter un ensemble de phénomènes. Le professeur, l’écrivain peuvent exposer l’état actuel de la science sans s’inquiéter des moyens qui ont fait atteindre le but, ou bien ils peuvent suivre l’esprit humain dans les voies souvent bien tortueuses qui l’y ont conduit. De ces deux méthodes, la première, comme l’observe M. Edwards, a pour elle la précision et la force ; la seconde a certainement plus d’utilité. Le spectacle des efforts que nécessitent le développement d’une science et l’acquisition du moindre progrès durable est un spectacle plein d’enseignemens. En voyant comment nos prédécesseurs ont été conduits à leurs découvertes, nous apprenons à marcher sur leurs traces, à devenir inventeurs à notre tour. En reconnaissant combien de faits jugés d’abord inutiles ou sans portée ont joué plus tard un rôle important lorsqu’ils ont été mieux compris, on se sent pénétré d’un juste respect pour les travaux d’autrui, alors même qu’ils ne semblent pas présenter d’emblée une haute valeur. M. Edwards, parlant à un jeune auditoire, cherchant à former des investigateurs qui pussent à leur tour reculer les bornes de notre savoir, a dû suivre depuis longtemps dans ses cours la méthode historique ; il l’a conservée dans ses Leçons, et l’on ne peut qu’applaudir à son choix. Sans doute il ne s’est pas cru obligé de faire l’histoire complète des erreurs de ses devanciers : il s’est borné à suivre la science dans ses conquêtes réelles, à montrer la liaison qui existe entre chacun de ces grands résultats, à constater que chaque découverte nouvelle n’est le plus souvent que la conséquence logique des découvertes précédentes. Le lecteur le plus novice est ainsi préparé à juger sainement les hommes et les choses en même temps qu’il est initié aux procédés suivis par l’intelligence humaine dans la recherche de la vérité.

Les Leçons de physiologie et d’anatomie formeront, on peut déjà l’assurer, un ouvrage très considérable. Les deux premiers volumes ne renferment encore que l’histoire du sang avec l’étude physiologique et anatomique de la respiration. Il est facile de juger par là de l’étendue du cadre embrassé par M. Edwards. À part tout autre mérite, on ne trouverait nulle part aujourd’hui une réunion aussi complète de documens de tout genre : travaux anatomiques ou physiologiques, ouvrages généraux ou monographies, auteurs français ou étrangers, tout ce qu’a produit l’étude ancienne et moderne se trouve ou analysé ou signalé. Pour chaque fait, pour chaque opinion empruntée soit à ses propres recherches, soit à celles de ses confrères, l’auteur cite non pas seulement le titre du livre, mais le volume et la page, et en vérifiant quelques-unes de ces indications on reconnaît bien vite que M. Edwards n’a travaillé qu’avec les originaux en mains. La méthode suivie maintient toujours l’ordre le plus parfait au milieu de cette abondance de matériaux qui pouvaient si facilement devenir encombrans ; mais, pour bien apprécier ces mérites divers, il faudrait étudier l’ouvrage même, et nous terminerons par une dernière observation.

De tout temps, les physiciens et les chimistes surtout ont semblé se trouver à l’étroit dans leur savoir spécial ; de tout temps, ils ont tenté de sortir de l’étude des corps bruts et d’atteindre à celle des êtres vivans. Nous avons dit bien des fois ce qu’il fallait penser de cette tendance : elle est utile à la physiologie ; mais les résultats obtenus ainsi veulent être contrôlés. Or tel est rarement l’avis des savans dont nous parlons. Habitués à voir tous les phénomènes de laboratoire dépendre de la chaleur, de l’électricité, de l’affinité et d’une demi-douzaine d’autres forces dont ils admettent l’existence, ils ne veulent pas voir autre chose dans les êtres organisés. De là des exagérations vraiment étranges, et qui n’ont rien de nouveau pour être datées d’hier. Sans remonter à l’antiquité, bien avant M. Fink, les iatromathématiciens, les iatrophysiciens des derniers siècles étaient allés jusqu’à dire que « la psychologie ne sera bientôt plus qu’une branche de la mécanique. » Bien avant M. Lehmann, les iatrochimistes, héritiers eux-mêmes des alchimistes, avaient nié l’existence des forces vitales et cherché dans les lois de la physique et de la chimie l’explication de tous les phénomènes vitaux[32]. Pour se reproduire appuyées sur un savoir plus avancé, ces doctrines ne sont pas plus vraies. Elles prouvent seulement que l’espèce d’ambition inquiète dont je parlais tout à l’heure est passée de leurs devanciers aux physiciens, aux chimistes de nos jours. Décidé, — et avec raison, — à faire dans ses Leçons une large place aux recherches de la physiologie expérimentale, M. Edwards a pu craindre qu’on ne se méprit sur ses convictions, qu’on ne le regardât comme un adepte de cette école que nous avons tant de fois combattue. Une déclaration très explicite et très sage, placée au début de l’ouvrage, a prévenu cette erreur. « Le physiologiste, dit M. Edwards, doit étudier avec soin la série des réactions chimiques et des phénomènes physiques dont l’organisme peut être le siège ; mais il ne faut pas croire que dans la machine animée tout puisse s’expliquer par le jeu de ces forces, et je dois attacher non moins d’importance à bien mettre en lumière ce qui dépend de la puissance vitale, force sans laquelle aucun être organisé ne pourrait même commencer à exister. » Nous ne pouvons qu’applaudir à ce langage : c’est celui d’un esprit vraiment élevé, qui, au-dessus de la matière brute et morte, voit clairement la nature organisée et vivante, qui, au-delà des forces physico-chimiques, aperçoit celle qui les maîtrise et les régit. On peut suivre sans crainte le physiologiste qui fait une pareille profession de foi.


A. DE QUATREFAGES.

  1. 384-322 avant l’ère chrétienne. Je crois devoir indiquer en note l’époque de la naissance et celle de la mort des savans dont je parle dans cette étude. En cas de doute, je reproduis les chiffres adoptés par Cuvier et Blainville dans leurs Leçons sur l’histoire des sciences naturelles.
  2. 23-79 après J.-C.
  3. 131-201 après J.-C.
  4. Né vers 220. On ignore l’époque de sa mort.
  5. Né vers 180, mort âgé de trente ans.
  6. 1193-1280.
  7. Lithothéologie, ou Théologie des Pierres, par Lesser ; Théologie des Testacés, Théologie des Insectes, par le même (1694-1754). Ce dernier ouvrage a été traduit en français par Lyonnet, le célèbre anatomiste de la chenille du saule.
  8. 1778-1850.
  9. 1741-1829.
  10. Pseudonyme de De Maillet, consul de France. Cet auteur cherche entre autres choses à prouver que l’homme n’est qu’un poisson modifié.
  11. 1758-1828.
  12. 1507-1566, — 1518-1564, — 1514-1572.
  13. 1527-1605, — 1516-1565.
  14. 1707-1778.
  15. 1762-1833.
  16. 1769-1832.
  17. 1707-1788.
  18. 1683-1757.
  19. 1514-1572, — 1514-1564.
  20. 1613-1688, — 1626-1697, — 1648-1730.
  21. 1772-1844.
  22. 1771-1802.
  23. 1561-1626.
  24. 1577-1644.
  25. 1668-1738, — 1660-1734, — 1734-1806.
  26. 1708-1777.
  27. 1637-1680.
  28. 1743-1793.
  29. Cette belle collection, publiée chez l’éditeur Roret, se compose d’une suite de traités complets sur les diverses branches des sciences naturelles, tous accompagnés de leur atlas spécial. Quelques-uns des principaux ouvrages qui la composent sont déjà terminés, d’autres sont en voie de publication.
  30. Voyez, sur les métamorphoses, les livraisons des 1er et 15 avril 1855, des 1er et 15 juin, et du 1er juillet 1856.
  31. Dans la séance du 16 novembre 1857, M. Edwards a présenté à l’Académie des Sciences de ni volumes sur l’Histoire des Polypes coralliaires, faisant partie de la collection des Suites à Buffon. Dans la séance précédente, il avait présenté la seconde moitié du tome deuxième de ses Leçons d’anatomie et de physiologie.
  32. M. Edwards cite ces deux auteurs précisément comme des exemples de ces exagérations contre lesquelles il faut se tenir en garde.