Pagina:Leopardi - Epistolario, Bollati Boringhieri, Torino 1998, I.djvu/845

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niche partout. J’ai plusieurs fois aimé dans ma vie, j’y ai trouvé d’im- menses impressions, et dans le nombre beaucoup de délicieuses, ce devint une réelle nécessité à mon bonheur, mais je n’ai jamais décou- vert de noble de loyal retour dans le sein de toutes ces liaison, dans les femmes mille petites passions presque toutes filles de la vanite alié- nèrent toute ma tendresse, je voulais Pabnegation, le désintéressement, du feu, du transport, j’offris, je témoignai moimème cela de mon mieux, mais toujours mon attente se trouva dé<;ue. La faute est-elle à moi? je l’ignore. Quant aux hommes j’ai le bonheur d’en aimer deux de bon cceur mais tous deux apportent dans l’amitié deux divergences bien opposées à ma situation, l’un compatriote m’attache par son gout pour les études et son érudition, mais son choix est bizarre et son genre de vie incompatible avec le mien. L’autre, Génevois, le meilleur enfant du monde me porte, en dépit de notre éloignement, la plus tendre affec- tion mais n’aime en rien les occupations littéraires, pourtant les let- tres, les douces affection et les réves d’un bonheur idéal, voilà le com- plexe qui puisse me faire envisager la vie comme un bien; l’illusion qui me sourirait le plus, serait la possibilité d’aller me fixer à Rome. La plus douce des joies serait la revue d’une jeune et charmante Fio- rentine qui m’a réellement aimé quoique je lui avouasse ne pouvoir jamais rien faire pour son bonheur durable. Entre temps l’existence la plus uniforme, la plus monotone s’ouvre devant moi; mes yeux se dessillent sur le compie de beaucoup d’hommes que je croyais mus par des sentimens généreux, je deviens sauvage, ours, je recherche la soli- tude, mes livres si favoris, mes projets si nombreux, mes espérances aux couleurs de pourpre et de rose tout pàlit, tout s’efface, tout se dépouille d’appas et de charmes; en vérité quand on y réfléchit l’homme est bien fou d’aimer si obstinément cette existence si pieine d’ennuis, de dégouts et de déboires. De la vie à la mort il n’est pourtant qu’un pas, mais toutes nos prérogatives de la raison dont nous sommes si fiers cèdent au principe qui tombe en partage à la dernière brute, ie veux dire à l’instinct. C’est Pinstinct qui attaché les hommes de tout culte quelconque à la vie, ici il devient animai, encore l’animal ne fuit-il que la douleur, car la prévoyance de la mort c’est-à-dire la fin des souf- frances n’est indiquée qu’à l’homme seni: cette reflexion me porte insensiblement à penser que les étres organisés les plus uniformément heureux sur ce monde sont positivement ceux qui ont le moins de sen- sibilité et qui analysent le moins les élémens du bonheur, j’oserais pres- que croire que cette règie s’étend depuis l'homme des labeurs corpo-