Pagina:Baretti - Prefazioni e polemiche.djvu/254

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d’autres pays on révolterait méme les libertins et les incrédules, si on s’avisait d’exprimer la joie, la surprise et l’admiration par ce nom sacre: tant il est vrai que les mots ne réveillent pas toujours les mémes idées, les mémes images et les mémes sentiments dans une langue, que leurs équivalents dans une autre. Ces exemples sont frappants. Je m’en vais en ajouter encore un qui ne le paraít pas tant du premier coup d’oeil. Je pourrais en ajouter des milliers, mais le suivant suffira.

— Comment traduiriez-vous en italien ces quatre mots fran9ais: «le roi de France»?

— Rien de plus aisé dans le monde. Je traduirais: «il re di Francia».

— Il y a tonte fois des cas oú ces quatre mots italiens n’expriment point exactement les quatre mots fran^ais.

— Comment! — dit monsieur de Voltaire d’une voix rauque et d’un ton de courroux — ces deux phrases n’expriment pas toujours la méme chose?

— La méme chose, monsieur? Cela se peut, si par «la méme chose» vous voulez dire «la méme personne»; mais si par «la méme chose» vous voulez dire «la méme image», «la méme idée», je vous réponds que cela n’est pas á beaucoup près dans certains cas. Vous savez le fran^ais mieux que moi, monsieur de Voltaire; mais pour l’ italien, ne vous en déplaise, je serais bien honteux si je ne le savais pas trente ou quarante millions de fois mieux que Vossignoría illustrissima. Venons au fait.

Qu’un petit bourgeois de Paris dise «le roi de France», et qu’un petit citadin de Florence dise «il re di Francia^, il s’en faut que le florentin ait traduit l’idée du parisien. Pour nous bien entendre, faisons un peu d’anatomie aux cerveaux de ces deux personnages, et voyons ce qu’il y a dedans chacun au moment qu’ils prononcent les quatre mots, chacun dans la capitale de son pays. Commengons par le parisien.

Cet honnéte homme, entre nous soit dit, est un peu badaud. Cependant le peu ou prou d’esprit qu’il a s’est tourné une infinite de fois dès sa plus tendre enfance á contempler la gioire de son roi. — Que de grandeur, que de magnificence, que de