Pagina:De Blasis - Leonardo da Vinci, 1872.djvu/36

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dominicains de Milan. Léonard y a déployé toute l’élévation, toute la force, toute l’étendue de son génie. Où trouverait-on ailleurs une ordonnance plus simple, plus noble et plus belle, soit dans l’agencement des groupes, soit dans l’ensemble de la composition; un style plus grandiose, plus imposant dans toutes ses parties? La vivacité, la justesse et la convenance des expressions, décèlent une profonde étude du cœur humain et la science des passions. La variété des caractères de tête prouve qu’elles ont toutes été étudiées d’après la nature, mais la nature choisie, et, en cela surtout, ce sublime tableau, ainsi que ceux de Raphaël, sont d’excellentes leçons pour les artistes, qui ne sauraient trop les méditer. C’est là que la force est réunie à la grace et à la beauté; que la précision se montre sans sécheresse; et que le fini des détails, loin de nuire, concourt lui-même à l’effet des masses. Que dirons nous, enfin, de ce faire Léonardesque, aussi suave, aussi magique, peut-être, que celui du prince de l’école Lombarde? Peut-on admirer assez cette sage ampleur des contours, aussi éloignés de la mesquinerie que de l’exagération? Dans cet immortel ouvrage, Léonard, sans rien emprunter de l’antique, et sans rien devoir qu’à la nature et à son génie, parut rassembler en lui Michel-Ange, le Corrége et Raphaël. François I, ou, selon Paul Ioves, historien contemporain, Louis XII, fut si frappé de sa beauté, qu’il voulut le faire transporter en France; mais, la difficulté de l’opération (car il fallait absolument, ou détacher le tableau du mur, ou enlever le mur avec le tableau) le fit renoncer à ce projet. Tout le monde connait la magnifique estampe due au burin pur et gracieux de Raphaël Morghen, et qui assure à ce chef-d’œuvre l’immortalité, quoique, selon M. Aimé Guillon, qui se fonde sur des autorités non suspectes, Morghen l’ait gravé d’après un dessein fait, en 1795, par Matteini, qui ne put copier ce qui restait intact du tableau de Léonard, qu’avec les