Pagina:Goldoni - Opere complete, Venezia 1915, XX.djvu/350

Da Wikisource.
338

l’art qui vous est propre. Ce seroit bien mal presumer de nous que d’imaginer que vous ne nous ferez pas goûter tôt ou tard des Pieces comme les vôtres, prises dans le sein même de la nature, dont on vous appelle le fils avec raison, des Pieces qui intéressent par l’intrigue, touchent par le sentiment, plaisent par le Dialogue, amusent par les bonnes plaisanteries qui naissent des choses, et non des mots, surprenent par les situations, instruisent par la morale, satisfont par le dénouement, et qui en un mot ressemblent plus à nos bonnes Comédies Françoises, qu’à nos farces Italiennes.

J’en appelle non seulement à tous ceux qui ont vu représenter vos pieces, mais encore à ceux qui n’ont pû que les lire, soit dans les originaux, soit dans les traductions qui on été faites de quelques unes. Dans les cent douze Comédies qui vous avés composées, sans compier vos Opéra-Comiques qui sont encore en grand nombre, je suis persuadé qu'il y en a beaucoup qui dans les mains, je ne dis pas d’un Auteur décidé, mais seulement d’un homme un peu connoisseur du Théâtre, un peu zélé, pourroient avec les changemens qu’exigent nécessairement nos moeurs, et les loix de notre Théâtre, mériter les honneurs de la scene Françoise. Aussi inviterois-je, si j’en avois l'occasion, et tous les Auteurs et tous les gens de goût qui ne connoissent pas vos ouvrages, à se convaincre dans la nouvelle, et belle édition que vous en faites actuellement1, de ce que je vien de dire, et à l’effectuer, heureux de pouvoir au moins par là contribuer en quelque chose à l’honneur du premier théâtre de l'Univers.

Ce seroit lui rendre un grand service, ainsi qu’à la nation, d’augmenter un peu le riche et superbe fond qu'il a déja; mais qui tout excellent qu’il est, s’use de jour en jour, et demanderoit d’autres nouveautés comiques, que celles qu’on y voit la plupart du temps. Les traces de Molière sont perdues, et la vraie Comédie est oubliée: nous ne manquons ni de vices, ni de ridicules; mais

  1. Alludesi all’edizione veneziana di C. B. Pasquali, iniziata nel 1761, di cui erano, già usciti 4 tomi.