Pagina:Goldoni - Opere complete, Venezia 1915, XX.djvu/373

Da Wikisource.

361


Arlequin en conçoit de plus grands soupçons. Il dit des injures à Camille. Celle-ci se met en colère, et Scapin s’en réjouit. Enfin Arlequin plus courroucé que jamais maltraite Camille, et s’en va.

SCENE III

Camille, Scapin.

Camille reste un peu mortifiée. Scapin prend le ton ironique, et fait semblant de la plaindre de ce qu’elle a perdu un si joli amant. Camille dit qu’il n’est point perdu pour elle, que quand on s’aime bien, on ne peut gueres s’empêcher d’avoir quelquefois de petites querelles, et que c’est là la preuve d’amour la plus claire. Scapin lui dit qu’elle est une entêtée; elle lui répond que sa conduite prouve sa constance et sa fidélité plutôt que son entêtement. Scapin se plaint de ce qu’une femme constante étant si difficile à trouver, ce rare bonheur tombe sur un faquin qui ne le mérite pas. Après quoi il sort.

SCENE IV.

Camille, seule.

Elle examine les causes de sa constance pour Arlequin. Elle les trouve dans l’amour, dans l’honneur et dans la foi de ses engagemens avec lui. Elle trouve que les promesses continuelles qu’elle a faites d’assister la famille de Pantalon, ont également l’honneur pour principe, et elle est fâchée de voir l’eloignement et la haine d’Arlequin pour cette famille; mais elle se flatte de le faire changer. Elle met sa confiance dans le pouvoir que les femmes ont sur les hommes. Elle dit qu’elle ne se pique pas d’être belle, mais qu’elle a quelque chose qui plait; qu’elle ne manque pas d’esprit, que ses yeux la servent bien, et que dans l’occasion elle sait en tirer des larmes, qu’elle regarde comme les armes le plus puissantes de son sexe.