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seulement; en tout cas proches, imbriqués l’un dans l’autre, présents l’un à l’autre: la première partie de La Méditerranée et le monde méditerranéen à l’époque de Philippe II2 comporte dès l’édition de 1949 des pages fondatrices sur l’histoire de la montagne aussi.3 Braudel, qui m’avait engagé et me suivait dans la préparation de ma thèse sur Genève et l’économie européenne de la Renaissance,4 m’encourageait fort à élargir l’horizon de ma recherche à ces Alpes si présentes à mon sujet; et à persévérer plus tard dans cette direction. Je n’ai été que partiellement fidèle à ce projet, je me suis occupé, chemin faisant, de bien d’autres questions - toujours cependant avec les Alpes en arrière-fond. Et je reviens avec constance à ces premières amours de jeune historien...


LA RECHERCHE ÉCLATÉE

Or, je m’étais aperçu, comme beaucoup d’entre vous, et déjà quelques-uns avant nous, que d’une vallée à l’autre, d’une extrémité à l’autre de l’arc alpin, il existait dans l’histoire de ces montagnes un certain nombre de correspondances, d’analogies. D’un bout à l’autre s’étaient ouverts des passages, des cols, avec des fonctions identiques quoique dans des conditions variables dans l’espace comme dans le temps. L’obstacle, la barrière entre deux économies-mondes, deux espaces de culture, était aussi bien un relai, un lien. D’autre part, il était naturel que les contraintes semblables d’un environnement aussi particulier que celui de la montagne aient conduit les populations alpines à imaginer et à mettre en œuvre des solutions comparables sinon tout à fait identiques; et que se soient développées des mentalités, des sensibilités collectives très voisines d’une communauté alpine à une autre. Et ceci en dépit des conditions physiques (relief, climat, isolement plus ou moins grand) autant qu’humaines, c’est-à-dire historiques (d’ordre ethnique, linguistique, culturel, religieux, politique, etc.) qui pouvaient les distinguer.

Il ne s’agissait toutefois que d’une impression d’ensemble, difficile à confirmer et à préciser dans les détails qu’exige une approche comparée. Car l’information était et reste encore excessivement dispersée, morcelée entre les instruments nationaux, régionaux ou locaux accessibles aux chercheurs. Cela est vrai de toute évidence des sources primaires: archives, sites archéologiques, ou le paysage lui-même; c’ est normal et nous n’ y pouvons ni devons rien changer. Nous pouvons imaginer en revanche de disposer un jour de répertoires de ces sources, dressés collectivement à partir de relevés et de critères définis pour

BERGIER: DES ALPES TRAVERSÉES AUX ALPES VÉCUES 13