Pagina:Scientia - Vol. VII.djvu/164

Da Wikisource.
156 “scientia„

Cette notion d’une espèce bien définie et, hors les fluctuations, invariable dans les conditions normales, conduit à la conception d’une individualité complète, apparaissant dans tous les caractères de l’organisme, ou plus exactement, de la plante, car De Vries ne quitte pas le terrain végétal. Deux espèces sont totalement, profondément distinctes. La variété, au contraire, ne diffère pas essentiellement de l’espèce dont elle dérive; mais, si un caractère de la plante disparaît, ou plus exactement devient latent, car certaines conditions peuvent le faire réapparaître, on aura une variété par régression. On voit ainsi nombre de variétés apparaître par atténuation ou suppression de la couleur des fleurs, ou des poils de la tige, ou des épines; la plupart des variétés se ramènent en somme à un petit nombre de types. Parfois cependant, apparaît un caractère nouveau; mais c’est qu’il était latent dans le type initial; et il s’agit d’une réapparition, sans qu’ il y ait véritablement variation progressive.

Ainsi, dans cette conception très weismannienne, la variété ne diffère de l’espèce dont elle dérive que par la manifestation ou par la non manifestation d’un caractère impliqué dans la constitution du plasma germinatif de l’espèce. Chaque espèce en revanche a son plasma germinatif propre, qui diffère de celui de toute espèce voisine, d’où une différence portant sur l’organisme tout entier. Quand on croise deux espèces (par une union que De Vries qualifie d’unisexuelle), on obtient, non sans difficulté en général, un hybride à fécondité très limitée, hybride stable à caractères composites. Au contraire, quand on croise deux variétés (union dite bisexuelle), on a tous les caractères communs, sauf deux qui peuvent entrer en lutte, dont l’un sera dominant et l’autre récessif, et l’on obtient alors dans la descendance toutes les combinaisons qui caractérisent les règles de l’hérédité dite mendélienne.

La variété et l’espèce élémentaire sont donc très différentes au point de vue de la variation qui leur donne naissance, et cependant elles se rapprochent beaucoup, et par le mécanisme de cette variation, et par ses conséquences. L’une et l’autre en effet sont stables. L’une et l’autre naissent par mutation. La stabilité de la variété est aussi incontestable que celle de l’espèce; seulement elle est très souvent masquée par un faux atavisme, un retour au type primitif, qui provient. — lorsqu’ on a bien affaire à une variété pure et non à un hybride, ce qu’ il est souvent difficile de savoir avec les plantes cultivées — de ce que De Vries appelle le «vicinisme», c’est à dire d’un croisement ignoré avec le type initial. Avec les plantes fécondées par les insectes, il est très difficile d’éviter de nombreux croisements; les graines des horticulteurs ne sont dès lors jamais pures, et l’on