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Il invoque également un autre dogme du darwinien ultraorthodoxe, celui qui affirme que tous les caractères d’un organisme sont utiles ou ont été utiles dans le passé. Par «utile» on entend «ayant une valeur au point de vue de la survivance». Ce dogme est naturellement dénué de toute preuve et ce n’est en fait qu’une simple déduction de l’hypothèse de l’existence universelle de processus de sélection. Le Prof. Poulton va même jusqu à dire: «l’impossibilité où nous sommes de démontrer l’utilité ne ruine pas la sélection naturelle». Ce qui revient tout simplement à dire que le darwinien convaincu se cramponnera à sa théorie même en l’absence de toute preuve en sa faveur.

Il est certes extrêmement douteux que la sélection naturelle puisse rendre compte de l’origine d’une espèce à partir d’une autre, si cette origine implique, comme elle semble le faire, que tous les caractères spécifiques sont, ou ont été, adaptatifs, utiles ou possesseurs d’une valeur sélective. Quand on trouve, ce qui arrive constamment, que deux ou trois espèces apparentées habitent exactement la même localité, ayant les mêmes habitudes et la même nourriture, il est bien difficile d’admettre que les caractères distinctifs de ces deux espèces sont aujourd’hui adaptatifs. Il n’y a pas non plus de raison de croire que ces caractères aient été adaptatifs dans le passé. Un cas topique est offert par les deux petites seiches de la mer du Nord, Sepiola scandica et Sepiola atlantica. On les trouve souvent prises ensemble par la drague et elles diffèrent si peu qu’il n’y a guère qu’un œil exercé qui puisse les distinguer. Cependant les différences sont bien définies et parfaitement constantes et il faut une foi profonde dans le darwinisme pour croire qu’elles aient jamais pu être des caractères adaptatifs.

Quant au lamarckisme le Prof. Poulton ne veut pas avoir affaire à lui. Il se base sur la non-transmissibilité des caractères acquis; mais ce terrain est bien loin d’être aussi sûr qu’il l’a été. On reconnaît de plus en plus que les objections à la transmission des caractères acquis proviennent beaucoup plus de la théorie que des faits. Elles proviennent surtout de l’idée, introduite par Weismann, de la continuité du plasma germinatif et de l’indépendance du soma. L’expression «caractères acquis» a pris avec Weismann, d’une façon injustifiable à notre avis, un sens si restreint qu’elle ne désigne plus qu’une modification produite d’abord dans le soma et transmise de là au plasma germinatif. De cette façon la plus grande partie des preuves positives de la transmission des caractères acquis a été mise d’un seul coup hors de cour. Mais l’opposition du soma et du plasma germinatif est purement théorique, la continuité du plasma germinatif est également une théorie. Ces théories peuvent être vraies