Pagina:Leopardi - Epistolario, Bollati Boringhieri, Torino 1998, II.djvu/759

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m’autorise à fixer mon domicile en France et à y jouir les droits civils, ce qui est le precurseur d’une naturalisation prochaine. Tout ceci est très bien pour les apparences. C’est mème plus que cela, cela satisfait les desirs de mon cceur. Je vous ai assez parlé de mes élèves de l’École Normale, auxquels je suis attaché de toute mon àme. Tout en instruisant ces excellents jeunes gens, il me semble que cela vaut la peine de faire l’essai si en France on ne peut pas former des hellénistes. Si durant tout l’hiver dernier, où j’étais si malade d’esprit, ma letjon de Platon, et mes rapports de Science et d’amitié avec mes élèves n’eussent pas soutenu mon courage défaillant, je ne serais aujourd’hui qu’une ombre de ce que croyais ètre ou pouvoir ètre il y a deux ou trois ans. Tout de mème je ne sais si définitivement je réussirai en ce pays de fanfarons et de charlatans. J’ai trop de petits ennemis qui sont intéressés à ne pas me laisser parvenir. - Cependant je ne puis me cacher que ce n’est pas en Allemagne, ni surtout à Ber- lin que je puis faire une carrière en philologie; je suis trop faible pour cela, pendant qu’ici parmi les aveugles tout borgne que je suis je compte comme roi. A Berne je ne pourrais guère me réempatroniser [sic\\ j’ai trop dégénéré de la noble souche patricienne. Le mariage de ma sceur cadette avec M. de Luternau, le dernier rejeton d’une de nos plus illu- stres familles, m’a fait comprendre ce que cela voulait dire aux yeux des Bernois que de vivre de livres ou de le9ons. - Il me faudrait 4000 fr. de rente; alors je vivrais gaiement tantót dans un pays, tantòt dans un autre, écrivant pour le public quand cela me ferait plaisir, c.àd. très rarement. Je ne sais, mon précieux ami, si vous avez re?u deux autres N0> du Siècle où il y avait des traductions de vos Operette? M. Durand a traduit Ruysch et l’Islandais, M. Vendryes Prométhée. Tous ces deux jeunes gens sont mes élèves. Je vais faire continuer ces traductions. Qu’avez-vous décidé en définitive pour vos deux prose inédites? Rappelez-vous ce que je vous ai proposé. Dans une édition du Banquet de Platon que je publie en ce moment comme résultat de mon cours, j’ai souvent occasion de vous citer et de faire imprimer plusieurs de vos notes. J’ai eu pour ce travail de superbes secours, tels que les papiers de Creuzer. Mais il m’est diffi- cile d’elaborer tout cela de manière a en ètre content moi-mème. Remerciez gracieusement M. Bencini de son exactissime collation des hymnes de Synesius. Je l’ai aussitót envoyé à M. Thilo, qui ayant perdu sa mère et soeur cet hiver, ne m’a pas encore écrit depuis mon