Pagina:Goldoni - Opere complete, Venezia 1923, XXII.djvu/365

Da Wikisource.

L'AVARE FASTUEUX 357


SCÈNE XVI.

La Fleur, Le Marquis.

Le Marquis. Me voilà à pied; je suis sorti à pied, et je rentre de même; mon cocher qu’est-il devenu? mes chevaux où sont-ils?

La Fleur. Vos chevaux, votre cocher, tout cela est à l’auberge.

Le Marquis. A l’auberge!

La Fleur. Oui, monsieur, quand vous êtes arrivé ici, vous savez que le cocher de monsieur de Chateaudor n’y étoit pas, et que tout étoit ferme. J’ai cherché le cocher de la maison, je l’ai trouvé, je l’ai fait venir; il a refusé de recevoir vos chevaux dans les écuries de son maître, il a refusé de leur donner de la paille, et tout cela parceque son maître le lui avoit défendu, parceque son maître est un avare fieffé.

Le Marquis. Chateaudor un avare!

La Fleur. Monsieur, il n’y a pas un pareil dans tout Paris.

Le Marquis. Je ne puis le croire.

La Fleur. Je ne vous dirai pas ce que Frontin m’a conté de lui, car on pourroit soupçonner de la méchanceté dans son domestique, mais j’ai parlé à dix personnes tant dans la maison, que du voisinage, à des marchands, à des fournisseurs, ce n’est qu’une voix, tout le monde convient que monsieur de Chateaudor est le plus riche, et le plus vilain du quartier.

Le Marquis. Mais comment se peut-il? quelle contrariété! quelle inconséquence! il vient de donner cent mille francs de diamans....

La Fleur. A mademoiselle Léonor!

Le Marquis. Oui.

La Fleur. Ces diamans ne sont point achetés; il ne sont qu’empruntés; il ne les achetera pas. Frontin me l’avoit dit. Mais le bijoutier qui ne devoit venir qu’à la fin de la semaine, a été rappellé, il est revenu, et vient de les remporter.

Le Marquis. Tu me dis des choses terribles.

La Fleur. Je ne vous dis que la verité toute pure.