Pagina:Marino, Giambattista – Adone, Vol. I, 1975 – BEIC 1869702.djvu/30

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donner au suject. Point important sur tous autres, pource qu’il-, disent qu’où la Créance manque, l’Attention ou l’Affection manque aussi; mais où l’Affection n’est point il n’y peut avoir d’Esmotion, et par conséquent de Purgation, ou d’amendement és moeurs des hommes, qui est le but de la Poësie. La Foy donc est d’absoluë nécessité en Poësie: mais quelle Foy peut-on adjouster à une Fable recognuë pour telle? le voicy. La Foy, en la signification que nous la prenons, c’est à dire pour une inclination de la fantaisie à croire qu’une chose soit plustost que de n’estre pas, s’acquiert par deux moyens: l’un imparfaict ou impuissant, par le simple rapport ou de l’Historien ou d’autre; et j’appelle celuy-là impuissant, pource que la sincérité des hommes est incognuë, et que le plus souvent on la révoqué en doute, sur la moindre difficulté qui se présente. L’autre parfaict et puissant, par la vraysemblance de la chose rapportée, soit par l’Historien, soit par autre; qui est le moyen naturel efficace de s’acquérir de la foy, auquel le premier qui professe mesme la vérité se reduict, s’il est vray que de deux Histoires contraires ou diversement racontées, on suit tousjours celle qui a le plus de probabilité; ce qui arrive pour ce que le premier estant Tyrannique, et suject à estre rejetté, ce dernier-cv gaigne doucement, et empiete vigoureusement l'imaginative de celuy qui escoute, et par la convenance des choses contenues en son rapport se le rend bien veillant. Mais de ces deux comme l’un est propre de l’Historien, aussi faut-il sçavoir que l’autre l’est du Poëte, et cela pour autant que l’Histoire traicte les choses comme elles sont, et la Poësie comme elles devraient estre, en maniéré que la première ne peut recevoir une chose fausse, bien qu’elle ayt toutes sortes d’apparence, et la seconde n’en peut refuser, pourveu que la vraysemblance y soit: et la raison de cela est d’autant que l’une considéré le particulier comme particulier, sans autre but que de le rapporter : et c’est pourquov, dans les Histoires, les cas et les evenemens sont tous differens et non réglés, comme dependans de la fortune, qui fait aussi bien prospérer les meschans que les bons, et ruine sans ecception les uns aussi bien que les autres; là où la Poësie,