Pagina:Marino, Giambattista – Adone, Vol. I, 1975 – BEIC 1869702.djvu/39

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rassées, comme ayans pour object l’Utilité, luy soient plus considérables que celles qui le sont, comme n’ayant pour object que le Plaisir tout seul. Mais que les Fables Tranquilles ayent pour object l'Utilité, ou ce qui la cause, je n’y vois point de doute; car si l’Utilité de la Poësie consiste en la purgation des passions vitieuses, il est clair que cet effect se tire plustost de celles qui ne sont point troublées ny brouillées, que de celles qui le sont. Et qu’il ne soit ainsi, chacun m’accordera que ce qui doit purger le doit par impression, et non par relasche, par la continue, et non par l’interruption. Or est-il que la simplicité des fables Tranquilles leur donne cela par excellence, en tant qu’elles ne sortent jamais de leur Suject, et qu’elles ne s’obligent qu’à la particulière description de la passion entreprise; ce qui n’arrive pas à beaucoup près à celles qui ont le Trouble affecté à leur Nature, comme celuy qui les dissipe en parcelles, et qui par le meslange de plusieurs choses différentes esmousse et enerve la viguer que chacune en sa simplicité pourroit avoir. Aussi les Anciens ayans esgard à cela se sont empeschez tant qu’ils ont peu, mesmes dans leurs grand Poëmes, de se charger de tant de matières, recognoissans que bien qu’en leur Diversité et capacité de Merveille elles peussent faire maistre le Plaisir, elles nuisoient aussi à la fin de l’Utilité, à laquelle tous les Bons dressent toutes leurs machines; et c’est en partie pourquoy ces Romans se trouvent si mesprisables parmy les bien sensez, comme ceux qui sans aucune Idée de perfection sur qui se conformer, amoncellent aventures sur aventures, combats, amours, desastres, et autres choses, desquelles une seule bien traittée feroit un loiiable effect, là où toutes ensemble elles s’entredestruisent; demeurant pour toute gloire l’amusement des idiots, et l’horreur des habiles, qui n’en peuvent supporter le regard seulement, les sçachant dans leur confusion du tout esloignées de l’intention de la Poësie: car pour purger il faut esmouvoir; or, comme on ne peut esmouvoir sans faire impression, laquelle impression se faict par moyens et convenables et continuez, et comme d’ailleurs ces Romanceries, soit par la qualité, soit par la quantité de leur matière, en soient entièrement rendües