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la diversité de fortune etc. 29


pour une grandeur réelle. Et ce qui est grave, ce ne serait pas, comme le reprochait Herschel à Rankine, d’avoir donné à une grande loi physique, vraie, l’allure d’un truisme, mais d’avoir donné l’allure d’un truisme à une fausse loi physique. M. Henri Poincaré remarquait, dans sa Thermodynamique, que, si l’on a admis si longtemps l’indestructibilité du calorique, c’est parce que l’on parlait du «fluide calorique»; on avait beau, dès lors, définir correctement le calorique, on sous-entendait qu’il se conservait. Le terme d’énergie a donné lieu à une confusion aussi grave et qui dure encore: or, il n’est pas douteux que, plus que personne, par l’addition des deux épithètes symétriques: actuelle et potentielle, Rankine a travaillé à le populariser.

La confusion, nous sommes maintenant en mesure de préciser en quoi elle consiste. Lord Kelvin avait, à coup sûr, le droit de définir comme il l’a fait «l’énergie mécanique», ou, simplement, «l’énergie», d’un corps matériel, et sa définition est devenue la définition admise par l’unanimité des physiciens. Mais déjà, par ce mot énergie, on sous-entendait autre chose: Rankine lui-même en témoigne de la façon la plus formelle, puisque, dans la phrase où il croit pouvoir affirmer que le mot n’ayant jamais été employé dans des écrits scientifiques, «tout danger d’ambiguité est écarté», il donne au mot énergie le sens de capacité de produire du travail. Ce qu’on peut reprocher au créateur de l’Énergétique, ce n’est donc pas d’avoir donné l’apparence d’un truisme à la grande loi de la conservation de l’énergie, le mot d’énergie étant compris en son vrai sens, conforme à la définition, la seule légitime, de lord Kelvin; c’est, au contraire, d’avoir donné l’apparence d’un truisme à la fausse loi de la conservation de la «capacity for performing work».

Et c’est là qu’il faut chercher la raison capitale de la lente diffusion de la loi qui régit les transformations de l’énergie. Pour des personnes habituées à ne pas mettre en doute la conservation de la capacité de produire du travail, le sens dans lequel se font les échanges d’énergie n’a pas d’intérêt.

La première tâche qui s’impose au physicien, s’il a l’ambition de communiquer au public cultivé une idée un peu moins incomplète et inexacte de la Thermodynamique, c’est donc de rectifier l’opinion erronée qui est trop répandue sur