Pagina:Leopardi - Epistolario, Bollati Boringhieri, Torino 1998, II.djvu/700

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que. Vous auriez pu blamer tout à votre aise; car d’un homme comme vous les avis ne peuvent ètre qu’utiles. Mais comme vous me le dites vous mème vous ne prevoyez pas quand vous pourrez espérer assez de santé pour cela. En attendant donc faites ce qui vous donnera le moins de peine. Mon voyage en Allemagne est retardé jusqu’à la première quinzaine du mois d’Aout prochain et cela par une singulière raison. Il a più à Mess. Cousin et Guigniaut3 de m’appeler à suppléer le Professeur de Littérature grecque à l’Ecole Normale d’ici jusqu’aux vacances. Moi, fatigué que j’étais du Thes. et de la vie à Paris en général, j’avais tourné mes yeux vers l’Alle magne; vous savez toutes les démarches que j’ai faites pour arriver au delà du Rhin. Vendredi le 15 Juin dernier Cou- sin me dit brusquement d’aller voir Guigniaut, Directeur de l’École. J’y fus. Il me proposa la suppléance. J’acceptai, et je commendai mon cours le 19 Juin. J’ai pour élèves 10 jeunes gens de 20 à 22 ans, très zélès, instruits et qui prennent un très vif intérèt à mon enseignement. J’explique les Pythiques de Pindare. Mais, mon excellent ami, ne me félicitez pas encore. Je ne suis suppléant que jusqu’aux vacances. Et si après le professeur se retire qui me dit que la cabale ne parviendra pas à me mettre à la porte. La place en elle-mème n’est pas belle quant aux honoraires, qui sont de 2500 fr. par an. Mais elle est honorable et importante par Pinfluence que je pourrai avoir sur l’avenir de la philologie en France, vu que tous les jeunes professeurs futurs me pas- seraient par les mains. Si donc ma suppléance se changeait en place de professeur titulaire, je pourrais me résoudre à rester en France et à devenir Frangais tout-à-fait. Mieux vaudrait sans doute ètre Fran- 9ais que Cosmopolite, car quant à ètre Suisse je n’y vois plus ni hon- neur ni agrément. Mes compatriotes vont assurément suivre la mème triste route que les Belges. - j’ai passé le 4 dernières années dans Pin- certitudc et dans le doute au sujet de mon avenir. Eh bien aprésent que j’entrevois la possibilité de me fixer en France, j’hésite plus que jamais. J’aime à me bercer d’illusions. Ainsi quand M. de Mourawieff voulait m’appeler auprès de son fils, j’aurais voulu pouvoir me rendre à ses vaeux. Il est vrai que ce qui m’entraìnait c’était la perspective de vivre auprès de vous. Aujourd’hui je crois qu’il est de mon devoir de ne rien négliger et de continuer mème mes démarches en Allema- gne. Peut-ètre cela me servira-t-il pour arriver plus surement ici. Mais en voilà assez et trop mème sur ma pauvre personne. Parlons de vous, mon meilleur ami.