Pagina:Leopardi - Epistolario, Bollati Boringhieri, Torino 1998, II.djvu/738

Da Wikisource.

enfance. Malgré ce malheur il a fait toutes ses études en droit à Coim- bre, et il passe aujourd’hui pour un des premiers poètes portugais. Pro- bablement il vous écrira pour se mettre en rapport direct avec vous. Nous voulions lui envoyer un exemplaire de vos Canti et des vos Ope- rette, mais à Paris capitale de cette ciarlatanissima Francia, comme vous le dites, nous n’avons pas pu en déterrer aucun exemplaire. Mais puisque j’ai un compte à régler avec vous pour M. Bencini, ayez donc, je vous prie l’extrème bonté de m’acheter vos deux volumes pour M. de Castilho, et de vous faire rembourser par moi ici chez Renouard. M. de Vasconcellos a fortement engagé son ami de C. à traduire quel- quesuns de vos Canti en portugais. Cela se fera certainement aussitót que nous aurons les exemplaires. Vous pouvez assez vous imaginer, qu’à part le gran mobile de l’amitié que je vous ai vouée à tout jamais, ma vanite n’est pas médiocrement flattée de l’idée que je vous aurai fait connaitre en Portugal, et cela par un homme qui me semble ètre sous quelques rapports votre copie, sans vous avoir jamais connu. Et ce sera moi, pauvre et sémibarbare Germain qui aura rapprocbé ainsi deux esprits faits pour se connaitre. C’est peut-ètre un rève, mais permettez-moi, excellent ami, que je me berce de cette illusion au moin jusqu’à votre prochaine lettre. Pour en revenir à ma chétive personne je ne puis encore vous don- ner aucune bonne nouvelle. Il n’y a pas encore de réponse de Berlin; mais comme M. Schulze, le Directeur du Ministère de l’Instruction publique en Prusse a écrit à Cousin, qu’il me placerait, je crois que la chose se fera d’ici à Pàques. Savez-vous quel sera mon grand regret en quittant la France? Ce ne sera pas la honte de devoir m’avouer à moi-mème que j’ai été assez sot pour croire qu’un pays dans lequel j’ai mis sur pied une ouvre tei que le Thesaurus en y consacrant qua- tre années de ma vie, enfin me regarderait comme un individu bon à garder. Non, ceci ici n’est d’aucun poids quand on ne sait pas intri- guer. Mais ce qui me peine profondément c’est de me voir dans la nécessité de quitter des élèves que pour leur zèle désintéressé et l’at- tachement qu’ils me témoignent, j’aime comme des frères, et qui de leur coté me respectent comme un Oracle et m’aiment comme un ami. Or franchement dans tout pays donné, si Dieu me conserve cette cha- leur de l’àme, j’espère trouver des élèves qui trouveront quelque chose de plus en moi qu’un maitre. Mais représentez-vous bien le dévoue- ment de mes jeunes amis, de mes élèves de l’École Normale de l’an- née dernière. Deux fois par semaine je leur explique le Banquet de