Pagina:Leopardi - Epistolario, Bollati Boringhieri, Torino 1998, II.djvu/757

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votre lettre necessaire a vous rappeller à ma memoire. Non, Madame, malgré mon silence, qui jusqu’à present a eté justifié de la crainte de vous ètre importun, je n’ai pas merité le repro- che que Vous m’adressez; j’en appelle au temoignage des per- sonnes que Vous honorez ici de votre correspondance: celles-ci pouvront vous dire combien de fois après votre départ je leur ai demandé de vos nouvelles. Je ne suis pas fàché que le sejour de Londres vous soit assez indifferent: cela nous ferait esperer que le moment de vous revoir en Italie ne fut pas eloigné. Cependant je vois avec regret que dans votre lettre il n’y a pas un mot de retour: je veux me fiat- ter qu’un tei silence ne soit pas de mauvaise augure. Quant à moi, Vous savez que l’etat progressi! de la societé ne me regarde pas du tout. Le mien, s’il n’est pas retrograde, est eminemment stationnaire. Toujours mes occupations con- sistent à tàcher de perdre tout mon tems; je n’ecris pas, je ne lis pas, je fais tous mes efforts pour penser le moins que je peux; une ophthalmie fort obstinée, qui me rend absolument impos- sible toute espece d’application, est venue me perfectionner dans la nullité de ma maniere d’ètre. M. Niccolini, qui se porte bien, et qui travaille autant que je dors, a ete charmé des choses aimables que Vous m’avez man- dées à son egard; il me charge de vous en temoigner sa vive reconnaissance. Je n’imiterai pas, Madame, votre modestie, qui vous fait dire que votre lettre est longue, quoique elle m’ait paru bien courte à moi. Je conviendrai que celle-ci n’est pas longue, quoique elle puisse le paraitre: je dirai de plus que le plaisir de m’entretenir avec Vous me transporterait bien loin du laconisme, mes yeux ne me refusassent inexorablement leur ministero. Obligé d’ètre discret, je me bornerai à vous faire mille complimens de la part de mon cher Ranieri (auquel je me suis reuni, comme je l’espere, pour toujours), et à vous rappeller que je suis, Madame, et serai toute ma vie Votre très-devoué serviteur , Leopardi Florence 17 Mai 1833