Pagina:Giovanni Magherini Graziani Masaccio ricordo delle onoranze.djvu/22

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Que s’ouvrait, large et clair, ton oeil de campagnard,
L’oeil percant qui dépiste au loin l’oiseau dans l’herbe.
Et que la vie active enivrait ton regard.

Tel qu’un faucheur se hâte à botteler sa gerbe
Quand s’obscurcit la nue à l’occident vermeil,
Avant que s’abattit sur toi l’orage acerbe,

Tu buvais, à grands traits, l’extase du soleil,
Et le monde, sortant de ses brouillards funestes,
T’enchantait, comme Adam à son premier réveil;

Tu moissonnais gaiment couleurs, formes et gestes,
Pour les fixer ensuite aux chapelles d’azur,
Où les bons Saints, que modelaient tes pinceaux prestes,

Si vivants, en plein air, s’avançaient d’un pied sûr,
Que les dévots, agenouillés à leur passage,
Les entendaient, le soir, converser sur le mur.

Il est vrai qu’ à la ville ou te trouvait sauvage,
Négligent, mal vêtu, toujours l’air d’être ailleurs,
Qu’ on narguait, au Ponte Vecchio, ton gros visage.

Et que les affairés, les oisifs, les railleurs,
Pour qui l’homme pensif n’est qu’ un blessant mystère,
Les filles dont l’amour ne va qu’ aux batailleurs.

Te trouvaient trop distrait pour plaindre ta misère!
Qu’ importe à qui son rêve éclaire les chemins?
La charmeuse par qui tu te laissais distraire,

Distraire des vains bruits et des soucis humains,
La Nature, t’aimait, consolante et divine;
Et tes jours passaient vite à lui baiser les mains.