Pagina:Marino, Giambattista – Adone, Vol. I, 1975 – BEIC 1869702.djvu/32

Da Wikisource.

biens, qu’ils nous les ont baillez, et que neantraoins, voulans proposer sous leurs noms les Idées des choses qui leur sont attribuées, ils ont fait estre tels, ne se mettant en nulle peine si la vérité particulière en patissoit, pourveu que le genre humain en général y profhtast par la vray-semblance. Or cette Vray-semblance estant une représentation des choses comme elles doivent avenir, selon que le Jugement humain, né et eslevé au bien, les prévoit et les détermine, et la Vérité se réduisant à elle, non pas elle à la Vérité, il n’y a point de doute que la Poésie l’ayant pour partage (c’est à dire le Poëte ne traittant que ce qui doit estre, et ce qui doit estre estant tousjours Vray-semblable qu’il soit, car ces deux choses se regardent réciproquement) et faisant par icelle un insensible effort sur la fantaisie, entant qu’elle ne luy apporte rien qui ne se juge pouvoir estre facilement ainsi, ce que la Vérité mesme ne faict pas, sinon autant qu’elle est Vray-semblable, il n’y a point de doute, dis-je, qu’elle ne soit plustost creuë, ayant pour soy ce qui se fait croire simplement de soy mesme, que l’Histoire qui y procédé plus tyranniquement, et qui n’a pour soy que la Vérité nuë, laquelle ne se peut faire croire sans l’ayde et le soulagement d’autruy. Ainsi donc il suffira au Poëme qu’il soit Vray-semblable pour estre approuvé, à cause de la facile impression que la Vray-semblance fait sur l’imagination, laquelle se captive et se laisse mener par ce moyen à l’intention du Poëte. Cette matière discouruë de la sorte, pour en faire l’application au Poëme de nostre Amy, l’on voit que si l’on veut nier la Vérité de la chose (comme la qualité de fable que le succès a pris jusqu’icv semble le devoir faire avoüer, ce qui n’est pas neantmoins constant, veu que l’Escriture mesme fait mention des pleurs respandus pour Adonis, et que selon les Anciens Kapsodieurs et Mythologistes il n’y a aucune fable, spécialement de celles des Deïtez, qui n’aye eu son fondement sur quelque Evénement véritable), le Poëme ne laissera pas d’estre régulier pour cela, et n’en perdra pas la Créance; pour ce que la Vérité n’estant pas de l’Essence de la Poësie, et quand mesme elle s’y rencontre ne se considérant pas