Pagina:Marino, Giambattista – Adone, Vol. I, 1975 – BEIC 1869702.djvu/50

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d’un bon Stile: à sçavoir que la Narration est tres-esgale, que les comparaisons en sont claires par Nature, comme tirées de lieux cognus, bref que pour les liaisons il n’y a que souhaitter; et qu’ainsi la principale vertu de cette Idée gisant en l’excellence du Stile, et cettui-cy estant excellent entre les excellens, au desespoir des beaux esprits, vous voyez que le Poëme d’A d o n i s à cause de son Stile n’aura jamais de pareil en son espece. C’est pourquoy, sans me d’avantage arrester sur cette derniere partie, et sans parler ny de l’Allegorie comprise dans la Fable, comme chose assez esclaircie par le Poëte mesme, dans le discours qu’il fait estât de faire aller devant chaque Chant, ny de la Concurrence genereuse qu’il a prise avec les Anciens sur les principales de leurs matières, tant pour les maniérés de dire, que pour les Conceptions et les Inventions particulières mesmes, non tentées jusqu’icv par autre que par luy, pour ne point courir indiscrettement sur vos brisées, je finiray cette ennuyeuse enfilade en vous affermant, comme j’ay fait en commençant, que je tiens l’Adonis, en la forme qu’il me souvient l’avoir veu, pour bon Poëme, tissu dans sa Nouveauté selon les réglés générales de l’Epopée, et le meilleur en son genre qui sortira jamais en public. Telle est donc l’Opinion que vous avez voulu avoir de moy touchant l’Ouvrage de nostre Amy, pour laquelle appuyer d’avantage j’eusse peu estendre plus au long ce que j’en ay dit en peu de mots, et aurois encore tout plein de choses à dire si je parlois à une personne moins entendue, ou moins affectionnée à l’honneur du Chevalier Marin, c’est à dire à la Vérité. Maintenant si l’affection que vous luy portez vous faisoit trouver que je l’eusse maigrement loüé icy, souvenés-vous que vous ne m’avés point donné cette charge, et pensez que prenant la plume pour vous contenter, mon intention n’a point esté de le couronner, mais de vous faire voir succinctement que je sçavois pourquoy il meritoit la Couronne: il m’a semblé, estant simplement requis de mon ad vis sur son Poëme, que je satisfaisois à mon obligation vous descouvrant en paroles nuës ce que j'en pensois, et les raisons qui me faisoient prendre cette créance; et de l’humeur dont je