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la diversité de fortune etc. 9


proques des planètes; il avait montré qu’en dépit de ces perturbations, le système solaire est stable, sans qu’il y ait à recourir à «ces vaines hypothèses» qui consisteraient à faire, de temps en temps, intervenir le Créateur pour rétablir l’ordre troublé. Et Fourier, ayant à prononcer l’éloge de Laplace, caractérisait ainsi son œuvre, en ce style majestueux, d’ampleur et de perfection classiques, qui était celui des savants français du début du XIXe siècle:

«Dans l’ensemble des recherches de Laplace, disait Fourier, on doit remarquer surtout celles qui se rapportent à la stabilité des grands phénomènes; aucun objet n’est plus digne de la méditation des grands philosophes. En général, la nature tient en réserve des forces conservatrices et toujours présentes qui agissent aussitôt que le trouble commence, et d’autant plus que l’aberration est plus grande. Elles ne tardent point à rétablir l’ordre accoutumé. On trouve dans toutes les parties de l’Univers cette puissance préservatrice. La forme des grandes orbites planétaires, leurs inclinaisons varient et s’altèrent dans le cours des siècles: mais ces changements sont limités. Les dimensions principales subsistent, et cet immense assemblage de corps oscille autour d’un état moyen, vers lequel il est toujours ramené. Tout est disposé pour l’ordre, la perpétuité et l’harmonie».

Le rythme de ces périodes harmonieuses devait bercer toute une génération. Quoi d’étonnant si cette génération s’est trouvée réfractaire à la notion de phénomènes irréversibles?

Sans se poser la question de savoir si notre monde physique, dans sa complexité, est bien assimilable à un ensemble de systèmes analogues à notre système solaire, on a inconsciemment transporté du ciel sur terre, le résultat de Laplace, et l’on en est venu à ne plus apercevoir la perte continue de «puissance motrice», la disparition non compensée «d’énergie utile», qui accompagne tous les phénomènes physiques qui se passent sous nos yeux.

Un peu avant Laplace, Lavoisier avait proclamé la conservation de la masse dans les réactions chimiques et donné la formule lapidaire: «rien ne se crée, rien ne se perd». C’était une raison nouvelle pour que les esprits fussent préparés à la découverte des grandeurs qui, dans le monde physique, possèdent la propriété de l’invariance; pour qu’ils fussent orientés vers la recherche de ce qui, comme la masse, est permanent.