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78 Sonetti del 1834

de ces salles magnifiques voisines d’un jardin rempli d’orangers qu’on appelle le café Ruspoli: vis-à-vis le café se trouve le palais Fiano. Un homme, à la porte d’une espèce de cave, disait: Entrate, o signori!.... (Entrez, entrez, messieurs: voilà que ça va commencer). J’entre, en effet, dans ce petit théâtre, pour la somme de vingt-huit centimes. Ce prix me fit redouter la mauvaise compagnie et les puces. Je fus bientôt rassuré. Je m’aperçus, au ton de la conversation, que j’avais pour voisins de bons bourgeois de Rome: vingt-huit centimes sont, en ce pays, une somme assez importante pour écarter la canaille du dernier ordre. Le peuple romain est peut-être celui de toute l’Europe qui aime le mieux la satire fine et mordante. Son esprit extrêmement fin saisit avec avidité et bonheur les allusions les plus éloignées. Ce qui le rend beaucoup plus heureux que le peuple de Londres, par exemple, c’est le désespoir. Accoutumé depuis trois siècles à regarder ses maux comme inévitables et éternels, le bourgeois de Rome ne se met point en colère contre le ministre, et ne désire point sa mort: ce ministre serait remplacé par un être aussi méchant. Ce que le peuple veut avant tout, c’est se moquer des puissants et rire à leurs dépens: de là les dialogues entre Pasquin et Marforio. La censure est plus méticuleuse que celle de Paris, et rien de plus plat que les comédies. Le rire s’est réfugié aux marionnettes, qui jouent des pièces à peu près improvisées. J’ai passé une soirée fort agréable aux marionnettes du palais Fiano, quoique les acteurs eussent à peine un pied de haut; le théâtre sur lequel ils promènent leur petite personne enluminée peut avoir dix pieds de large et quatre de hauteur. Ce qui prépare le plaisir, et j’oserai dire l’illusion, c’est que les décorations de ce petit théâtre sont excellentes. Les portes et les fenêtres des maisons qu’elles représentent sont soigneusement calculées pour des acteurs qui, au lieu de cinq pieds, ont douze pouces de haut. Le personnage à la mode parmi le peuple romain, celui dont il aime surtout à suivre les aventures, c’est Cassandrino. Cassandrino est un vieillard coquet de quelque cinquant-cinq à soixante ans, lest, ingambe, à cheveux blancs, bien poudré, bien soigné, à peu près comme un cardinal. Du reste, Cassandrino est rompu aux affaires, il ne se fache point: à quoi bon dans un pays sans insolence militaire? Il brille par l’usage du monde le plus parfait; il connaît les hommes et les choses; il sait surtout ménager les passions du jour. Sans toutes ces qualités, le peuple romain l’appellerait villano (paysan) et ne dédaignerait pas de rire de lui. En un mot, Cassandrino serait un