Il Baretti - Anno I, n. 1/Arte et industrie

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Edouard Bratn

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Torbida anima La pittura italiana nel primo 800 (parte prima)

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ART ET INDUSTRIE

Il pourra peut-être sembler 'léger de comparer un atelier industriel à un orchestre; l’industrie, dira-t-on, n’est pas l'art; et compter, pour assurer la production, sur un enthousiasme artistique analogue à celui qui anime un musicien amateur faisant partie d'un orchestre, c'est vraiment tomber dans l'utopie pure et simple et de connaître cette vérité fondamentale que le travail quoi qu'on fasse pour en améliorer les conditions, ne pourra jamais s'éléver des régions de la dure nécessité à celles de la liberté: tu travailleras à la sueur de ton front, tel est la loi, et telle restera la loi, malgré toutes les rêveries que l’optimisme démocratique peut inspirer à des gens émancipés du sage et profond pessimisme chrétien. Je pourrais d'abord repliquer que ma comparaison d'un atelier socialiste avec un orchestre porte sourtout sur le caractère non patronal de la direction; un chef d'orchestre ne possède pas son orchestre, comme un patron possède son usine; mais cette question de la discipline dans un atelier syndacaliste est trop importante pour ne pas s’y arrêter longuement et il importe de bien faire voir sur quels ressorts exacts elle reposera. On pourrait tout d'abord faire observer que l’artiste n’est pas nécessairement l’être capricieux et fantasque qu’imaginent nos bourgeois, pour qui, sans doute, une existance de bohème semble l’accompagnement obligatorie d’une vie artistique, il y a une conception bourgeoise de l’art, qui n’est d’ailleurs qu’un decalque des anciennes conceptions aristocratiques, et qui assimile l’artiste à un amuseur, à une espèce de bouffon ou de fou (comme il y en avait dans les cours et dans les grandes maisons seigneuriales); à qui l’on permettait toutes sortes de fantaisies et de libertés. «Quand on parle de la valeur éducative de l'art, écrit Sorel (Réflexions, p. 378, en note), on oublie souvent que les moeurs des artistes modernes, fondées sur l’imitation d’une aristocratie joviale, ne sont nullement nécessaires et dérivent d’une tradition qui a été fatale à beaucoup de beaux talents». La vérité, c’est qu’il faut, avec Sorel, considérer l’art comme une anticipation de la plus haute production; le véritable artiste n’est pas ce travailleur fantaisiste et bohème, qui hante l’imagination à la fois scandalisée et miaisement séduite de nos bons bourgeois, mais un ouvrier extra-qualifié, dont la vie, trés regulière, est toute subordonnée à son travail, pour lequel il éprouve un goût, une ardeur, un désir de perfection si infini qu’il n’est jamais satisfait. La bourgeoise ne peut pas imaginer à l’activité d’autres mobiles que l’amour du lucre et du profit, et si l’ouvrier travaille, évidemment c’est qu’il y a l’ homme au fouet, le Maître, qui impose du dehors sa rude discipline, lui-même n’aspirant qu’à acquérir, le plus rapidement possible, une grosse fortune. Comme le dit Marx, la bourgeoisie a noyé tous les sentiments «dans les eaux glacées du calcul égoiste»; et tous les mobiles désintéressés ont perdu, sous sa dominntion, une grande partie de leur force: l’homme est devenu étrangement et férocement utilitaire. Mais il appartient au socialisme de redonner aux puissances désintéressées de l’âme humaine un essor inconnu jusqu’ici. Pour le monde antique, le travail était servile, et l’esclave n’avait point de part à la raison, toute logée dans le cerveu du maître; pour le monde chrétien, l’ouvrier a bien acquis une âme immortelle, à qui le maître est tenu de témoigner une certaine charité, comme à une figure du Christ, et selon le précepte que «qui donne au pauvre, prête à Dieu»; mais il reste au fond un serf; pour le monde socialiste, le travailleur social sera l’homme enfin parvenu à la liberté, maître de lui-même et de la société, organisée toute entière selon le plan d’un atelier hautement progressif, et où la véritable ascèse sera précisement le travail, non plus servile, comme celui d’un être privé de raison (Aristote), non plus le résultat de notre déchéance originelle et soumis par suite à toutes les disgraces inhérentes à cette condition, nécessaires d’ailleurs à notre salut, comme dans la conception chrétienne: mais affirmation normale de la vie, expression la plus haute de notre personnalité et orgueil suprême d’un être libre.

Edouard Bratn