Rivista di Scienza - Vol. II/Le crisi economiche
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La question des crises est une de celles auxquelles les économistes s’intéressent le plus. Non seulement les crises ont une importance pratique considérable, mais l’étude en est des plus fécondes pour qui veut arriver à comprendre les lois fondamentales de la vie économique des sociétés: cela, pour les mêmes raisons qui font que la physiologie retire un profit particulièrement grand de l’étude des phénomènes pathologiques qui se manifestent dans la vie des êtres organisés.
J’ajouterai que la question des crises devient une question très générale quand on les définit comme fait M. Supino. Certains auteurs réservent le nom de crises à ces perturbations qui s’étendent à des pays tout entiers et qui, dans ces pays, affectent, non pas une branche de la production seulement, une catégorie donnée de «sujets économiques», mais un grand nombre de branches de la production simultanément, et des catégories multiples d’individus. M. Supino prend le mot «crises» dans un sens plus large. Pour lui, il y a crise toutes les fois qu’une altération des processus économiques normaux entraîne des dommages pour une industrie, pour une région d’un pays, pour une classe sociale. Ainsi entendues, les crises demeureront, contrairement a l’opinion de quelques auteurs, des faits exceptionnels: mais elles apparaîtront, cependant, comme très fréquentes.
Pour M. Supino, les crises consistent essentiellement dans une rupture de l’équilibre entre la production et la consommation, ou, d’une manière plus précise, dans une rupture de cet équilibre par un excès de production. Les crises, des lors, sont caractéristiques d’une certaine organisation de l’économie, ne saurait y avoir de crises là où il n’y a pas d’échanges: il ne saurait guère y en avoir, non plus, là où les échanges se font en nature. Les crises surgissent seulement quand la spécialisation des producteurs est très poussée, quand des marchés très vastes se sont constitués - par conséquent, quand la monnaie intervient dans les échanges et elles sont à craindre surtout avec l’usage du crédit. Toutes sortes de causes, au reste, peuvent les engendrer: M. Supino en trouve parmi les phénomènes de la consommation, parmi les phénomènes de la production, parmi ceux de la circulation et parmi ceux de la distribution.
Dans cette partie de son travail que je viens de résumer, M. Supino a étudié les crises sans s’attacher plus à tel genre qu’à tel autre. Dans les quelques chapitres qui viennent ensuite, ce sont les crises générales qu’il considère principalement. Il en décrit la marche. Il montre comment au développement de ces crises correspondent de certains mouvements dans les prix, dans les chiffres du commerce international, dans l’encaisse des banques et dans le taux de l’escompte. Il parle de la périodicité des crises générales, et discute les trois explications — psychologique, physique et proprement économique — qui en peuvent être données. Il indique enfin les conséquences des crises générales, et les remèdes qui existent contre elles.
M. Supino consacre quelques chapitres, pour finir, aux crises spéciales — crises agraires, crises de la propriété immobilière urbaine, crises industrielles, crises commerciales, crises de Bourse, crises monétaires et crises du crédit — . Il nous fait connaître les causes qui donnent à chacune de ces espèces des crises ses caractères propres: pour les crises de Bourse, par exemple, c’est le fait que les titres qui se négocient en Bourse sont facilement transportables, et peuvent donner lieu à une grande quantité de transactions; c’est le fait qu’aux spéculations de la Bourse peuvent participer des gens qui n’ont aucune connaissance des affaires, et des gens, aussi, qui n’ont pas de capitaux, etc. Il distingue, également, parmi ces espèces des variétés: ainsi il y a des crises monétaires qui sont dues aux variations de la production des métaux précieux, d’autres qui sont dues à la façon dont s’établit, dans le commerce international, la balance des comptes, d’autres qui proviennent de changements opérés dans les législations monétaires.
Les quelques réserves que le travail de M. Supino me paraît appeller se rapportent à ses considérations sur l’étiologie des crises. Parmi les causes des crises, M. Supino place des phénomènes comme l’augmentation de la population ou l’augmentation des capitaux — qui sont des phénomènes continus; et il n’explique pas assez bien, à mon avis, comment de tels phénomènes peuvent provoquer des perturbations momentanées dans l’économie. D’autre part, je doute que M. Supino ait eu raison d’accueillir les idées de certains auteurs qui veulent que la distribution inégale du revenu limite la consommation et contribue, par là, à créér, la surproduction (v. pp. 59 et suiv.).
A part ces remarques — et quelques autres qui ne porteraient que sur des détails — le travail de M. Supino ne mérite que des éloges. M. Supino est admirablement informé de tout ce qui a été écrit sur les crises, et il sait fort bien choisir, dans cette littérature, ce qui vaut la peine d’être retenu, ou discuté. Les faits ne lui sont pas moins connus que les théories: il en cite un très grand nombre, soit à titre d’exemple, soit pour justifier les vues qu’il émet. Sur tous les points qu’il examine — et il n’en est pas un qu’ il ait omis parmi ceux qui appartiennent à son sujet — il fait preuve de pénétration et de sagacité. La rigueur, enfin, avec laquelle il ordonne toujours sa matière, la clarté et l’aisance de son exposition rendent la lecture de son livre aussi facile et agréable qu’elle est, par ailleurs, instructive et profitable.
- Paris.