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Rivista di Scienza - Vol. II/Erkenntniss und Irrtum

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Abel Rey

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La previsione dei fatti sociali Sociologia giuridica

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ANALISI CRITICHE E RASSEGNE.



Ernst Mach - Erkenntniss und Irrtum. 2ème éd., 1 vol. in 8°, p. XII-474. Barth. Leipzig, 1906.


On a l’habitude de considérer en France Ernst Mach comme un vulgarisateur de la Science. Autant vaudrait dire que H. Poincaré est un vulgarisateur, lorsqu’il écrit ses réflexions sur la mathématique ou la physique. Non point que je croie que la vulgarisation de la science, faite comme il convient, soit un travail facile ou superflu. Rien ne me parait plus nécessaire à la science elle-même, que sa bonne vulgarisation, et c’est une tâche malaisée et ingrate. Mais enfin il faut mettre les choses au point, et les appeler par leur nom. Mach a fait parfois de la vulgarisation, comme Berthelot ou H. Poincaré, mai si peu.... Dans ses conférences scientifiques populaires (Populär-wissenschaftliche Vorlesungen) il n’y a même pas la moitié du volume qui puisse être considérée comme telle. Le reste, c’est de la psychologie de la science, de la méthodologie, des réflexions profondes qui lui sont suggerées par ces sciences qu’il connait en maître praticien, en savant autant qu’en historien. Et tout cela est absolument original, puisé aux sources. Mieux que cela le plus souvent ce sont les sources mêmes où les autres devront ensuite aller puiser, à moins de se résoudre à passer pour ignorants. Car Mach est d’abord un mécanicien et un physicien de race. Et quand il nous livre ses réflexions sur la science, c’est, comme H. Poincaré, une réflexion directement suscitée par les faits. Il ne faut pas oublier que Mach, avant Kirchhoff a jeté les bases de la mécanique de Kirchhoff, et en physique, avant Ostwald et Duhem, les bases de l’énergétique scientifique. Il a encore un autre trait qui le rapproche singulièrement des grands savants français qui ont réfléchi sur la science, des Berthelot et des Poincaré; il n’aime pas à être traité de philosophe; il déteste la [p. 373 modifica] philosophie pour la philosophie, le bavardage, qui doit plus l’imagination de mauvais aloi qu’à la raison pure. S’il admet la philosophie pour la science, et par la science, il admet même plutôt la chose que le mot. Celui-ci l’ennuie. Au tond il croit qu’il est du devoir et du droit du savant d’analyser avec soin ses méthodes et les résultats qu’il obtient, la marche générait de sa pensée, l’histoire de celle des autres. Ce faisant à l’occasion de la mathématique, de la mécanique ou de la physique, il n’ira pas jusqu’à soutenir qu’il fait encore de la mathématique, de la mécanique, ou de la physique; — encore qu’il en ait bien envie, tant l’histoire et la psychologie des méthodes de chaque science, l’enchaînement de leurs découvertes lui paraissent ne faire qu’un avec la science elle-même. Mais au moins reste-t-il persuadé qu’il continue son œuvre scientifique, dans d’autres sciences, pour lui aussi positives, et de disciplines ajssi rigoureuses: la phychologie, la méthodologie, l’histoire des sciences. Et il n’y a pas la moindre illusion dans son cas; seulement la conscience que le bon ouvrier a de son travail.

Le livre qu’il vient de publier et qui a, en un an, nécessite une seconde édition: «La connaissance et l’erreur, esquisse d’une psychologie de la recherche scientifique», peut être considère comme la condensation de toutes ses réflexions sur les sciences, leur histoire, et leur méthode. Il est la synthèse de ses travaux, antérieurs. Et s’il déplait à Mach que nous disions qu’il y a donné sa philosophie des sciences, disons qu’il y a esquissé une science de la science, un des premier travaux d’épistémologie positive que nous ayons, ou plutôt de méthodologie positive, puisque le premier mot a été, indûment et d’une façon bien gênante, accaparé par la métaphysique.

L’idée maîtresse de l’ouvrage peut, ce semble, être sommairement définie de la façon suivante: établir une théorie de lascience, et de la connaissance, car, — pour Mach les deux mots ont pareilles extension et compréhension — à l’aide d’une psychologie scientifique de nos fonctions intellectuelles. Cette psychologie scientifique a d’abord pour contenu tous les renseignement de la psychologie expérimentale contemporaine, librement et très heureusement interprétés dans un raccourci fort original. Mais ce qui augmente encore l’originalité de la position de Mach c’est qu’il enrichit la matière de cette psychologie de toute l’histoire des sciences. Cette histoire lui fournit les faits d’observation et, on peut dire, les expériences toutes réalisées, a l’aide desquels il confirme ou établit ses propositions psychologiques; son travail nous amène par une induction scientifique précise à la détermination et à l’explication des méthodes, ainsi que des principaux concepts, scientifiques.

[p. 374 modifica]De ce côté, Mach emprunte au pragmatisme anglo-américain tout ce dont nous lui serons vraiment redevables: l’étude concrète, vivante, vraiment scientifique par tout ce qu’il y entre de bonne et sérieuse psychologie, des fonctions de la connaissance et de leur genèse, en un mot la psychologie génétique. Plût au ciel que nous soyons à jamais libérés, grâce à elle, des abstractions de la psychologie de l’ancienne école classique: elle parlait avec art et abondance de la connaissance réfléchie en l’opposant à la connaissance spontanée, de la raison pure, des principes rationnels, de l’activité créatrice de l’esprit et autres balivernes; elle croyait se moderniser tout à fait en prononçant le mot: méthode expérimentale, et en en empruntant les canons à St. Mill. Ceux qui, en tout cas, sauront lire, perdront, je l’éspère à parcourir le livre de Mach, toute espèce de goût pour ces quintessences.

Ils y perdront peut être aussi toute complaisance pour ce que le pragmatisme a ajouté à la psychologie génétique et qui précisément l’a mis a la mode. La mode n’a jamais fait qu’imiter des choses ce qu’elles ont de plus superficiel, de moins sérieux et durable. Aussi elle passe. Et Mach pourra contribuer à la faire passer, car, quoiqu’on en ait dit, l’assimilation des idées de Mach avec le pragmatisme doit s’arrêter ici. Mach est sous les apparences destructives de sa critique, un dogmatique. S’il intitule son ouvrage «erreur et vérité» c’est qu’il croit qu’il y a une erreur et une vérité — pas dans le vieux sens rationaliste du mot, ni dans le sens Kantien, c’est évident. Mais parce qu’il renouvelle le dogmatisme, en l’harmonisant avec tout ce que nous avons appris depuis, en lui donnant surtout le sens de l’histoire, son dogmatisme n’en sera qu’une arme mieux trempée contre le scepticisme.

Quels sont les enseignements de la psychologie touchant la genèse de la science? Mach résume dans cette première partie de son œuvre toutes les idées qu’il a si souvent exprimées dans - ses autres ouvrages. Le réel, tout le réel, l’absolu en un mot, c’est la sensation. Les sensations sont fonctions les unes des autres et leurs relations de dépendance les classent en deux groupes: celles qui sont indépendantes de notre corps, le milieu; — celles qui dépendent de notre corps, notre vie psychologique.

La science n’est qu’une analyse des sensations, en ce sens qu’elle cherche à déterminer toutes les relations de nos sensations. Au point de vue bio-psychologique, le résultat le plus général de cette étude est celui-ci: le vivant cherche à s’adapter au milieu. Conscience, pensée, raison sont des organes d’adaptation. La science est, par suite, une fonction biologique d’adaptation. A ce’ point de vue elle est le résultat des contingences historiques. Sa marche se fait par une suite d’efforts adaptatifs plus ou moins heureux. Nous appelons erreur l’effort malheureux, vérité l’effort heureux. [p. 375 modifica] Et entre l’un et l’autre il n’y a, comme on le voit, qu’une question de plus ou de moins. Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au de là, va-t-on dire. Nous sommes en plein pragmatisme, en plein agnosticisme scientifique. Nous y serions si nous oublions nos prémisses.

Et c’est ce qu’ont fait ceux qui ont cru pouvoir enrôler Mach parmi les pragmatistes. Mais s’il vous plait, à quelle condition l’effort d’adaptation de la science peut-il être qualifié d’heureux? A une seule, c’est que les relations assignées par la science correspondent aux relations des sensations, qui sont l’absoiument réel. Toute correction dans la science, toute vérité nouvelle qui fait passer au rang d’erreur la vérité ancienne est un progrès dans cette adaptation, dans cette correspondance, dans cette ana lyse des sensations, donc dans cette conquête de l’absolu. L’analyse des sensations est indéfinie, sans doute: l’approximation vers la vérité l’est aussi. La science n’étant jamais achevée, la vérité ne sera jamais absolue et définitive: c’est encore vrai. Mais la science grandit constamment en vérité. Il ne faut pas interpreter Mach en ramenant la vérité à l’erreur, mais bien l’erreur a la vérité, puisque la pensée est une «adaptation progressive des faits aux choses et des choses aux faits».

Note